La France et un fonds américain veulent faire revivre un peu de l’ancien Pechiney

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ée du 4 décembre 2007 du site industriel de l’usine Alcan à Issoire, Puy-de-Dôme. (Photo : Thierry Zoccolan)

[05/08/2010 12:46:00] PARIS (AFP) Le fonds américain Apollo, allié au fonds public français FSI, ont déposé jeudi une offre auprès du géant minier Rio Tinto pour prendre le contrôle d’une division d’Alcan, héritée de l’ancien Pechiney, et recréer ainsi un champion français de l’aluminium.

L’offre ferme, dont le montant n’a pas été révélé, prévoit qu’Apollo prenne une part de 51%, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) se contentant de 10% et Rio Tinto conservant 39% du capital, selon deux communiqués distincts.

Elle doit encore être soumise aux représentants du personnel.

Mais la transaction pourrait être bouclée “d’ici la fin de l’année”, a indiqué à l’AFP Bertrand Finet, un des directeurs du FSI, créé l’an dernier à l’initiative du président Nicolas Sarkozy pour prendre des participations dans des entreprises jugées stratégiques pour la France.

Pour Rio Tinto, l’objectif est clair: se débarrasser d’actifs qu’il avait récupérés en s’emparant du canadien Alcan, pour se concentrer sur son coeur de métier, la fabrication d’aluminium, et non sa transformation.

Depuis début 2008, le géant australien, coté à Londres, a déjà vendu pour plus de 10,3 milliards de dollars d’actifs.

Les acquéreurs, eux, veulent recréer une structure indépendante, héritée pour l’essentiel de l’ancien fleuron français Pechiney, vendu il y a sept ans à Alcan au prix d’une vive polémique.

Alcan EP (“Engineered Products”), spécialiste de produits usinés pour l’aéronautique, le bâtiment ou l’automobile, compte en effet la moitié de ses 10.000 salariés en France. L’an dernier, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 3,8 milliards de dollars.

Avec cette offre, “il s’agit de recréer un champion français indépendant dans les produits aluminium usinés”, a justifié M. Finet. “Jusqu’à maintenant, c’était une sous-filiale d’un grand groupe minier. Là, on recrée un grand groupe avec un fort ancrage français”, selon lui.

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ée du 3 décembre 2007 de l’usine Alcan à Issoire, Puy-de-Dôme (Photo : Thierry Zoccolan)

Une “bonne partie” des actifs historiques de Pechiney font en effet partie du projet de transaction, avec notamment le centre de recherche et développement de Voreppe, dans l’Isère, et les usines de Neuf-Brisach (Haut-Rhin) et d’Issoire (Puy-de-Dôme), où Alcan a récemment annoncé un investissement de 42,5 millions d’euros.

“On était la dernière roue du carrosse chez Rio Tinto et donc on espère qu’on aura maintenant les moyens de travailler correctement”, a réagi pour l’AFP Paul Ribeiro, délégué syndical FO.

“On souhaite qu’il y ait un contrôle plus rigoureux sur ce qui concerne l’emploi et la Recherche et Développement sur le territoire français”, dit-il, tout en déplorant que le fonds public “ne prenne que 10%”.

Interrogé sur d’éventuelles suppressions d’emplois après les réductions d’effectifs déjà décidées ces derniers mois, le FSI répond ne pas “envisager de restructuration particulièrement forte dans les mois qui viennent”.

“Tout va dépendre de la conjoncture. (…) Mais il n’y aura rien de majeur a priori”, dans un secteur violemment secoué par la crise l’an passé, a affirmé M. Finet.

Selon lui, le FSI et Apollo, qui gère un peu plus de 50 milliards de dollars d’actifs dans le monde, envisagent par ailleurs une introduction en Bourse, “notamment à Paris” d’ici “trois à cinq ans”.

Rio Tinto pourrait alors se désengager davantage d’Alcan EP, tout comme Apollo, ce qui inquiète Claude Verdier, délégué syndical CGT: “Tout le monde sait qu’un fonds achète pour revendre. (…) Sa finalité est de faire de l’argent et pour cela, il n’y a pas 36 méthodes, il faut pressurer sur les coûts, réduire les effectifs et la recherche à long terme”.