Les malheurs du merbau, bois chic victime des tronçonneuses illégales

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à Jayapura en Indonésie, photo diffusée le 5 août 2010 par les ONG Environment Investigation Agency et Telepak.

[06/08/2010 09:06:27] JAKARTA (AFP) Avec sa robe rouge foncé, le merbau fait de superbes planchers ou encadrements. Mais ce bois exotique risque à terme de disparaître, victime de son succès qui alimente le déboisement illégal et de juteux trafics entre l’Indonésie, la Chine et les pays occidentaux.

L’alerte a de nouveau été déclenchée cette semaine par deux organisations écologistes qui ont remonté les filières clandestines, des forêts profondes de Papouasie aux ateliers de Shanghai.

Leur dernière enquête a débuté à la mi-octobre 2009, date à laquelle les douaniers du port de Jakarta découvrent des troncs de merbau dans 23 conteneurs. Ils étaient en partance pour la Chine, l’Inde et la Corée du Sud.

“Les documents de la cargaison avaient été falsifiés”, indique Julian Newman, directeur des campagnes de l’Environment Investigation Agency (EIA), une ONG installée à Londres qui a collaboré, pour ce rapport, avec l’association écologique indonésienne Telepak.

Se faisant passer pour des acheteurs de bois, les militants des deux ONG sont remontés à la source du trafic, mené par un homme d’affaires indonésien qui reconnaît envoyer une cinquantaine de conteneurs de merbau par mois vers la Chine.

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êt en Papouasie, photo diffusée le 5 août 2010 par les ONG Environment Investigation Agency et Telepak.

Or l’Indonésie interdit depuis 2005 l’exportation des grumes de merbau, un arbre qui ne pousse plus, en grande quantité, que dans les forêts tropicales de l’île de Nouvelle-Guinée.

Mais les enjeux financiers sont considérables autour de ce bois dur et résistant aux termites. Acheté une quinzaine de dollars en Papouasie, le mètre cube de merbau peut atteindre plus de 1.000 dollars lorsqu’il repart, semi-transformé, de Chine.

Une précédente enquête de Telapak et EIA en 2005 avait estimé à 300.000 m3 la quantité de bois de merbau sortie clandestinement de Papouasie chaque mois.

“La poursuite du commerce illégal de merbau symbolise les défaillances de la gestion et de l’application des lois dans le secteur forestier en Indonésie”, dénonce Julian Newman.

Pourtant, note-t-il, des efforts ont été réalisés ces dernières années, sous la pression notamment des ONG, mobilisées autour du merbau depuis le début des années 2000.

Le taux de déforestation illégale en Indonésie a ainsi été réduit de moitié, d’environ 80% du bois coupé il y a dix ans à 40% aujourd’hui, selon le rapport. “L’action du gouvernement a poussé certaines personnes impliquées dans le déboisement illégal à se tourner vers l’huile de palme ou les mines”, deux autres activités très lucratives mais moins risquées, souligne Hapsoro, directeur de Telapak.

Les deux ONG demandent désormais aux autorités de mettre fin à l’impunité dont jouissent les responsables des trafics – des financiers aux fonctionnaires corrompus – en poursuivant les deux patrons nommément cités dans leur rapport.

Mais, souligne Julian Newman, la sauvegarde du merbau ne dépend pas uniquement de l’Indonésie. “La Chine accueille les bras ouverts le bois illégal. Nous espérons qu’elle décidera de suivre l’exemple des Etats-Unis et de l’Union européenne” qui ont récemment fermé leurs portes au bois dont l’origine n’était pas clairement connue. L’Inde, où la demande augmente, la Malaisie et Singapour sont également mis en cause.

Le temps presse pour la Papouasie, l’un des trois grands réservoirs de forêts tropicales de la planète avec l’Amazonie et le bassin du Congo. Ses massifs forestiers ont fondu d’un quart en vingt ans, à 23 millions d’hectares, et ses énormes richesses naturelles attirent de plus en plus les investisseurs.