Nous avons, depuis toujours au sein de la boîte, l’habitude de cercles concentrées sur l’une ou l’autre des personnalités les plus influentes du moment. Ainsi, le cercle du Directeur général était connu pour être le saint des saints après le Big Boss évidement, puisque son «astre», le DG, est suffisamment influent pour pouvoir influer sur l’évolution d’une carrière.
Depuis l’arrivée de M. Tazerki, M. Le Gendre, un nouveau cercle est né. Des anciennes alliances se sont défaites du jour au lendemain et des nouvelles sont apparues aussi rapidement. La course est claire surtout parmi les cadres supérieurs «moyens» qui naviguaient à la boussole de l’espérance d’un appui ou du rêve d’une promotion ou tout simplement pour avoir toujours un parrain au cas où.
Le nouvel arrivé, M. Tazerki, ne passe pas inaperçu évidement. Rapidement nous avons connu son penchant pour tel club de foot de la ville, son goût immodéré pour les grosses cylindrées et les gros bolides sportifs et ses extravagances vestimentaires.
Tout aussi rapidement certains de nos directeurs et non les moindres se sont trouvés aimant le même club de foot, les voitures luxueuses et les chemises signées. Les nouveaux amis du nouveau M. Le Gendre se sont multipliés au rythme de son ascension dans la boîte. On commence alors à parler des «changements» qui vont venir, des décisions «stupides» de tel ou tel responsable, du «plan de restructuration» N°x qui sera annoncé par le PDG bientôt et qui verrai l’introduction de beaucoup de nouveautés au sein même de la haute hiérarchie de la Maison.
Pour apprécier l’importance et la véracité de nos informations quotidiennes, qui sont multiples d’ailleurs, nous avons toujours la jauge du Directeur Général et, in fini, celle du Big Boss.
Il paraît bien que la vague Tazerki est passée par la direction générale. Le DG est, semble-t-il, mécontent et il l’a fait savoir au PDG à propos de la nomination récente de M.Tazerki à la DAF sans son accord ! Comme il est mécontent du fait que M.Tazerki le boude et s’adresse directement au PDG sans l’avertir. La dernière friction a concerné la nomination d’un haut cadre du «nouveau cercle des grosses cylindrées» comme assistant du DAF, qui est M. Le Gendre. Il paraît que M. le DG ne l’a pas apprécié surtout que ledit cadre est un «glandeur notoire».
Pour calmer le jeu qui commençait à faire des vagues, le Big Boss s’est fondu d’une réunion à laquelle le DG n’a pas assisté. C’est un mauvais signe et pourtant le PDG s’est longuement attardé sur les mérite du DG et sa gestion et sur les résultats bien brillants de la boîte, allant même jusqu’à miroiter la possibilité que cette année nous aurions droit à nos primes annuelles stoppées depuis trois ans pour cause de «mauvaise conjoncture économique dans le pays et dans la région», comme l’explique souvent notre Big Boss. Tout le monde a remarqué lors de cette réunion que M. Tazerki était assis parmi les directeurs de la boîte autour du PDG, et que M. le PDG n’a pas manqué de lancer une de ses phrases assassines à propos de ceux qui «ne savent sentir le vent tourner» et ceux qui «se découvrent en pleine campagne de tir» et autres proverbes vaguement militaires que notre PDG affectionne.
La réunion n’a apparemment servi à rien. La guerre s’est officiellement déclarée entre le 4ème et le 3ème étage. C’est-à-dire entre le DG et le DAF. Les deux cercles commencent à faire circuler mille et une informations. Ceux du DG ne manquent pas de mentionner toute gaffe déclarée au sein de la DAF. Ceux de M. Le Gendre commencent à parler du DG au passé et stigmatisent son rôle dans l’incompréhension entre le meilleur PDG du monde, notre PDG en l’occurrence et son personnel, nous autres.
Pour nous autres, c’est du pain béni toute cette histoire de guéguerre car entre temps personne ne touche aux dossiers qui fâchent !
Cependant le PDG a bien sentit que les choses tournent au vinaigre et dans une note de service au ton assez sec, nous apprenons que M. Le Gendre a été nommé Directeur Général d’une petite filiale qui s’occupe de négoce.
Publié sur Le Mag n°17