La diplomatie au service de l’économie, quoi de plus naturel tant les intérêts économiques sont étroitement liés aux facteurs sociopolitiques et même sécuritaires. Il est, aujourd’hui, devenu monnaie courante de voir l’économie occuper une place considérable dans le monde en tant que moteur de développement des pays et instrument de mesure des réussites et des échecs. Le rayonnement d’un pays passe par la performance de son économie, par conséquent, il n’y a rien de surprenant à ce que l’économie accapare une place prépondérante dans les relations internationales et impose une prise de conscience grandissante dans la diplomatie.
Deux ministres pour en débattre vendredi 6 août 2010 à la Maison de l’Exportateur, profitant de la tenue de la Conférence annuelle des chefs de missions diplomatiques et consulaires qui a lieu du 5 au 7 aout autour du thème «L’interaction de la diplomatie avec les appartenances directes de la Tunisie, au service des intérêts politiques, économiques et de développement du pays».
Une occasion pour Kamel Morjane, ministre des Affaires étrangères, et son homologue Ridha Ben Mosbah, ministre du Commerce et de l’Artisanat, d’échanger avec un parterre de diplomates avisés des idées sur leur rôle dans le renforcement de l’image de la Tunisie à l’international et de la dynamisation des relations économiques du pays avec leurs lieux de résidence. «Vous êtes les “vendeurs en chef“, a indiqué Kamel Morjane, s’adressant au parterre de diplomates participant au déjeuner de travail consacré aux perspectives des échanges commerciaux à l’international et au développement des exportations tunisiennes, aux opérateurs privés invités à s’exprimer à ce propos également.
«Le rôle des diplomates est de servir l’image du pays à l’étranger tant sur le plan politique qu’économique», a rappelé le ministre des Affaires étrangères. Il s’agit, d’après lui, de mettre en place un plan d’action réaliste et rationnel qui anticipe les tendances à l’international et adopte une lecture pragmatique de toutes les formes d’évolution et de développement au niveau des activités économiques internationale. La diplomatie se doit de réussir les stratégies de développement qui dépendent autant des moyens propres de l’Etat que de sa capacité à profiter des opportunités d’échange à l’international.
Le rôle des diplomates a évolué, il relève aujourd’hui plus du domaine des relations publiques. «Nous avons à maintes reprises vu des diplomates venus présenter leurs lettres d’accréditation, en profiter pour glisser un mot ou une proposition pour un projet économique», a indiqué Kamel Morjane.
Nous sommes en phase d’une mutation diplomatique allant du politique vers l’économique. Ce qui explique l’implication de départements tels celui du Développement et de la Coopération internationale ou celui du Commerce et de l’Artisanat.
«Les mutations économiques vécues à l’échelle mondiale, les crises répétitives allant de l’augmentation des prix des matières premières à ceux des denrées alimentaires en passant par la crise financière et économique et aujourd’hui celle des dettes des fonds souverains, nous incitent à nous investir plus dans la consolidation de notre économie tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur», a déclaré Ridha Ben Mosbah à l’ouverture du déjeuner de travail.
L’objectif de la Tunisie est de porter ses exportations à 40% et d’assurer une croissance annuelle de 5,5%. Pour le développement des exportations, il est impératif de consolider notre présence en Afrique subsaharienne et dans le monde arabe, de diversifier nos marchés et de renforcer le partenariat euro-méditerranéen. «La diplomatie économique doit assurer, en ce qui nous concerne, nous nous attelons à mettre à niveau le secteur des services, à développer la logistique du transport et les technologies de l’information (TIC). Nous voulons soutenir tous les efforts visant le rayonnement du pays à l’international», a précisé le ministre du Commerce.
La politique extérieure des Etats y veillera et la diplomatie tunisienne devrait adopter de nouvelles méthodes, de nouveaux agendas et de nouveaux plans d’action.
Les mobiles économiques prennent aujourd’hui de plus en plus de place et gagnent en autonomie par rapport aux visées purement politiques.
Aujourd’hui, plus que la liberté des échanges de marchandises, des biens, services, et des capitaux, le champ des consultations et des accords à rechercher semble bien infini.
En déplacement à l’étranger, les chefs d’Etat et de la diplomatie se font accompagner par les chefs d’entreprise en vue de contrats et présider à leur signature, en cas d’échéant.
Les hommes d’affaires présents au déjeuner de travail ont d’ailleurs appelé à être plus présents lors des manifestations organisées au sein des représentations diplomatiques, également à l’aménagement de show room au sein des ambassades pour exposer les produits tunisiens.
«Pourquoi pas ?», a assuré Ridha Ben Mosbah approuvé par Kamel Morjane, mais à condition que les espaces et la configuration de nos sièges s’y prêtent.
Nombre de manifestations soutenus et orchestrées par le ministère du Commerce seront organisées pour consolider les relations économiques de la Tunisie avec ses homologues africains, arabes et méditerranéens.
Les opérateurs privés devraient, d’autre part, apprendre à prendre des risques car il y a des marchés potentiels qui, à terme, pourraient devenir porteurs, a assuré Houria Abdelkhalek, ambassadeur de Tunisie en Bulgarie.
Kamel Haj Sassi, ambassadeur en Tchéquie, a pour sa part invité les hommes d’affaires à être plus agressifs et plus optimistes quant aux potentiels de certains marchés.
Pour les privés, les organismes nationaux, à l’instar de la Cotunace, doivent prendre de risques sur les marchés africains autant qu’ils en ont eux-mêmes pris. Les banques également qui doivent accompagner les efforts de ces privés partout où ils se déplacent.
Il est d’ailleurs dommage qu’il n’y ait pas eu de représentants des banques pour exprimer la position du secteur financier par rapport à cette problématique lors de ce déjeuner de travail inédit.