La balance de la justice (Photo : Thomas Coex) |
[10/08/2010 17:31:36] PARIS (AFP) Les fournisseurs d’accès à internet (FAI) se disent inquiets de la décision de justice qui leur a ordonné, pour la première fois, de bloquer un site illégal de paris sportifs, la jugeant compliquée à mettre en oeuvre et facile à contourner.
Le Tribunal de grande instance de Paris a ordonné vendredi aux opérateurs de filtrer le site www.stanjames.com d’ici deux mois, sous peine d’une astreinte de 10.000 euros par jour pendant un mois.
“Le blocage d’un site est toujours difficile”, déclare à l’AFP le directeur général de la Fédération française des télécoms (FFT), Yves Le Mouël.
Il regrette que le juge des référés en ait fait porter la responsabilité aux opérateurs et non aux principaux concernés : le propriétaire du site, qui n’a pas reçu d’agrément et la société l’hébergeant sur ses serveurs.
“Il faut d’abord commencer par l’éditeur afin qu’il coupe son service, et surtout agir auprès de l’hébergeur”, affirme-t-il.
Selon lui, “par facilité, le juge s’est retourné vers les opérateurs” qui “se trouvent en France et sont tenus d’agir” alors que l’hébergeur, Neustar, est basé en Grande-Bretagne et que l’éditeur est enregistré à Gibraltar.
Le tribunal était saisi par le régulateur des paris en ligne, l’Arjel, d’une procédure en référé au civil.
“Elle vise pour des raisons d’ordre public et social, de façon très systématique, à obtenir le blocage du site pour protéger le consommateur”, explique son président, Jean-François Vilotte, avançant que l’éditeur ne peut être poursuivi qu’au pénal, sur initiative du parquet.
Le cas de l’hébergeur, qui n’a pas encore comparu, sera lui examiné par le TGI le 2 septembre.
Outre les difficultés de mise en oeuvre, les FAI craignent de mécontenter leurs abonnés. Car très souvent, le filtrage entraîne un “surblocage”, à savoir le fait qu’outre le site visé par l’interdiction, des sites liés ou bien hébergés sur le même serveur deviennent également inaccessibles.
“Quand on filtre un site, on va inévitablement en filtrer d’autres”, note le porte-parole du collectif La Quadrature du Net, Jérémie Zimmermann.
“De nombreuses mesures de filtrage sont faciles à contourner et par conséquent totalement inefficaces”, constate par ailleurs le cabinet de consultants Aconite, dans un rapport sur la lutte contre la pornographie infantile sur internet.
Pour cela, il suffit de changer une lettre dans l’adresse internet du site ou encore proposer aux visiteurs un logiciel qui, “en deux clics”, selon M. Zimmermann, permet de passer outre le filtre. Enfin, les moteurs de recherche continueront de proposer aux internautes d’accéder, de manière détournée, au site de paris.
Prévoyant, le tribunal a d’ailleurs estimé que les FAI devraient aussi analyser le contenu des messages des portails qu’ils autorisent afin d’en bannir stanjames.com.
Mais, s’insurge M. Le Mouël, il s’agit là d’un travail de titan. “Nous sommes comme La Poste, nous n’ouvrons pas le courrier”, explique-t-il.
“Le filtrage est la mauvaise solution, et c’est la porte ouverte à une généralisation de ce type de pratiques”, s’inquiète M. Zimmermann, alors que l’Arjel a prévu de nouvelles mises en demeure de sites de paris illégaux.
Si ceux-ci n’obtempéraient pas, le régulateur devrait à nouveau demander en justice aux FAI de les bloquer.
Contactés par l’AFP, France Télécom/Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom n’ont pas souhaité réagir à la décision du TGI. Leurs services juridiques ne disposent que de 15 jours pour faire appel.