Selon une analyse publiée récemment (www.generation-nt.com), l’Afrique du Nord présente de grandes opportunités mais également des défis pour les opérateurs télécoms. Cette étude est édifiante, aussi bien pour les décideurs que pour les opérateurs.
Tout d’abord, Javier Alvarez, et Fernando Lopez-Gamonal, respectivement Associé Gérant et principal de Delta Partners Group, auteurs de cette étude, estiment que “les operateurs télécoms en Afrique du Nord se livrent une bataille féroce que seuls les joueurs les plus intelligents peuvent gagner“ ; et que ces derniers “font face à des défis quant à l’augmentation des chiffres d’affaires, tout en conservant un certain niveau de rentabilité dans une situation concurrentielle“, avant de conclure en disant que pour réussir dans cette région, les responsables télécoms doivent faire un diagnostic correct de la situation présente et savoir identifier les tendances gagnantes.
Voici quelques détails de ladite étude. Selon leurs estimations, les deux experts soulignent que les marchés des télécommunications en Afrique du Nord ont enregistré un TCAC (taux de croissance du chiffre d’affaires) de 20% durant la période 2007-2009 et devraient continuer à croître de l’ordre de 7% durant les cinq prochaines années. Ils pensent que “le mélange d’une forte voix mobile et d’une explosion de haut débit mobile devrait assurer la croissance future“. Mais leur optimisme se base également sur une situation démographique favorable et la présence d’une jeune population qui est à même de donner un élan supplémentaire à ce potentiel de croissance.
Pour ce faire cependant, les opérateurs doivent compter davantage sur les technologies haut débit, parce que, même si les données mobiles tablent sur une augmentation d’environ 35% par an au cours des cinq prochaines années, elles représenteront toujours moins de 10% du chiffre d’affaires total des télécommunications jusqu’en 2014.
D’ailleurs, pendant cette période, … «la rentabilité devrait diminuer à cause de l’ajout continu de nouveaux abonnés de moindre valeur qui, à leur tour, obligent les opérateurs à bien répartir les nouveaux capitaux d’investissement». Cela n’empêche pas aux marchés d’Afrique du Nord de présenter des opportunités de croissance indéniables.
Pour les opérateurs locaux, nos experts ne sont guère optimistes quant à leur avenir, puisque justement ces opportunités favorisent la convoitise des grands opérateurs internationaux qui pourraient y intensifier leur présence. Pour étayer cela, les deux analystes donnent l’exemple des opérateurs tels que MTN, Qtel et Etisalat qui montrent de plus en plus d’intérêt pour la région.
Par ailleurs, ils notent que «plusieurs gouvernements sont en train d’établir des bases pour une saine concurrence en télécommunications», tout en aidant à mettre en place des soutiens à la création d’entreprises locales des TIC solides qui seraient à même d’apporter à l’ensemble du secteur une marge supérieure. C’est ainsi que, par exemple, le Maroc, la Tunisie et l’Egypte déploient d’énormes efforts en vue de devenir des centres régionaux pour le secteur des TIC, précisent les auteurs.
Mais cette situation constitue un défi majeur pour les operateurs télécoms dans la région. Que faire alors ? Pour les analystes, «la bonne compréhension» des décideurs politiques et «les moyens appropriés…» à mettre en œuvre «seront critiques dans la détermination des gagnants et des perdants dans ce marché».
La voix traditionnelle a des beaux jours…
Poursuivant leur analyse du marché des télécoms de la région, Javier Alvarez et Fernando Lopez-Gamonal indiquent que «les revenus de la voix constituent plus de 80% des revenus des opérateurs mobiles dans la région et se poursuivront aux mêmes niveaux jusqu’à ce que le déploiement et l’adoption du haut débit mobile atteignent des niveaux signifiants». En attendant, les opérateurs doivent «défendre les revenus vocaux par la compréhension de la clientèle à travers la Gestion des données analytiques(GDA) et de la prévention d’un haut taux de désabonnement des clients de grande valeur», parce que ces marchés sont réputés avoir un haut taux de désabonnement (avec des cas extrêmes comme celui du Maroc, où les taux de désabonnement annuels sont près de 45%).
Ils expliquent que la GDA est une nouvelle façon de voir l’industrie, qui met l’analyse rigoureuse des données du comportement du client au cœur des décisions de la direction, et qui s’applique à la fois dans le domaine technique et commercial. Elle associe les besoins d’affaires et les exigences financières tout en s’assurant que toutes les restrictions sont bien encadrées.
… mais nécessité d’augmenter la part des revenus non-voix
Par ailleurs, les auteurs pensent que «l’infrastructure fixe limitée des pays d’Afrique du Nord donne au mobile l’opportunité de mener la croissance du haut débit…», surtout le mobile à haut débit qui pourrait attirer jusqu’à 2,2 billions de dollars dans la région d’ici 2014. Pour ce faire, les opérateurs se doivent non seulement d’offrir les capacités mais aussi de fournir des appareils et contenus intéressants qui soient pertinents pour le marché.
Dans cette optique, Alvarez et Lopez-Gamonal estiment que les opérateurs ont grand intérêt à définir une stratégie claire pour le haut débit et à définir le rôle qu’ils veulent jouer dans l’écosystème des services de données qui est dans un perpétuel changement.
Ainsi, en Tunisie par exemple, certains opérateurs ont fait quelques avancées vers l’élaboration d’une stratégie de haut débit. Pour les deux analystes, l’entrée d’Orange en tant que nouvel opérateur a augmenté de façon significative la concurrence sur le front de données de l’entreprise en Tunisie. Selon eux, «la plupart des opérateurs, en particulier les opérateurs historiques, verront leurs marges du BAIIA (Bénéfice Avant Impôt, Intérêts et Amortissements) s’effriter à mesure que les marchés mûrissent et que de nouveaux concurrents y entrent. L’addition de nouveaux abonnés au bas de la pyramide baissera encore les niveaux de rentabilité par abonné».
Les auteurs tirent la conséquence suivante : «les opérateurs doivent s’engager dans des programmes pour l’optimisation du BAIIA, visant à transformer le modèle d’affaires en plus maigres opérations. L’optimisation de l’efficacité, y compris le partage des infrastructures, la normalisation des systèmes et des processus, la rationalisation des fournisseurs, la gestion des coûts et l’optimisation de la trésorerie sont parmi les initiatives qui seront poursuivies par les opérateurs de l’Afrique du Nord à cet égard».
Pour eux donc, les marchés d’Afrique du Nord manquant de maturité, cela représente pour les opérateurs une opportunité intéressante vers l’efficacité opérationnelle. Car, «actuellement, la marge de BAIIA des opérateurs varie entre 50% en Algérie et en Tunisie et 30% au Maroc. Et de préciser que le marché algérien a connu ce qui est peut-être l’une des marges les plus élevées dans la région, par exemple, environ 57% pour Djezzy, filiale d’Orascom, en décembre 2009».
Pour conclure leur étude, les auteurs soulignent que les opérateurs télécoms dans cette région d’Afrique «jouent une bataille de concurrence féroce dont nul ne gagnera que ceux qui comprennent vraiment les défis auxquels ils font face. Plus important encore, le succès sera déterminé par leur capacité d’appliquer correctement les solutions à ces défis. La mise en œuvre convenable des techniques de GDA, des programmes d’efficacité des coûts, des investissements intelligents et convenables des dépenses en capital, des stratégies de données et même la consolidation régionales des stratégies décideront qui seront les vrais gagnants dans ce champ de bataille».