“Rappelle-moi au 08…” : les arnaques sur mobile rapportent des millions

photo_1281692945900-1-1.jpg
éléphone portable, le 26 novembre 2003 à Paris. (Photo : Jean Ayissi)

[13/08/2010 10:13:35] PARIS (AFP) “Salut, c’est Sophie ! Rappelle-moi vite au 08…”. Inoffensif au premier coup d’oeil, ce SMS pousse le destinataire crédule à appeler sans le savoir un numéro surtaxé: une arnarque simplissime et très lucrative, mais difficile à combattre.

“Pour monter une affaire comme celle-là (…) il faut quelques ordinateurs et puis c’est tout”, note le directeur général de la Fédération française des télécoms, Yves Le Mouël.

Quelque 30.000 SMS frauduleux sont signalés chaque mois par des clients au numéro d’alerte 33700. En outre la pratique plus récente des “ping calls” gagne du terrain: des appels très brefs que les destinataires croient avoir raté. Lorsqu’ils rappellent, ils tombent sur un numéro surtaxé.

Ces arnaques rapporteraient des millions d’euros par an, selon M. Le Mouël.

Quant à la mise en oeuvre, c’est un jeu d’enfant, assure Adeline Champagnat, chef adjointe de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC).

photo_1281692611976-1-1.jpg
éléphone portable (Photo : Fred Dufour)

A l’aide d’une ou plusieurs sociétés écran, les escrocs louent des numéros surtaxés, puis installent, avec l’aide d’un ingénieur télécoms, des “pondeuses”, des ordinateurs qui vont envoyer de façon automatisée des milliers de SMS et d’appels renvoyant vers ces 08.

Le client qui rappelle tombe le plus souvent sur une musique d’attente… facturée au prix fort.

Grâce aux signalements auprès du 33700, les opérateurs ont suspendu près de 800 numéros en 08 depuis novembre 2008. Mais il reste difficile d’appréhender les criminels qui les exploitent car ceux-ci “changent d’identité et de société dès qu’ils sont coincés”, selon M. Le Mouël.

Les cas les plus graves sont référés à l’OCLCTIC, qui enquête actuellement “sur une bonne dizaine d’affaires”, précise Mme Champagnat.

“Pour nous, c’est une priorité parce que cela rapporte tellement d’argent qu’on peut se demander si certaines sociétés n’utilisent pas ces systèmes pour financer d’autres activités, par exemple le trafic de stupéfiants ou le terrorisme”, explique-t-elle.

photo_1281692618648-1-1.jpg
éléphones mobiles (Photo : Romeo Gacad)

Six agents de l’OCLCTIC travaillent en permanence sur ces affaires. Mais peu d’entre elles aboutissent dans les tribunaux car les escrocs se jouent des frontières en basant leurs entreprises fictives à Londres, New York ou au Costa Rica.

“A partir du moment où elles sont à l’étranger, on ne peut plus rien faire” car en dehors de l’Union européenne (UE) “il est très difficile” d’obtenir de la police qu’elle collabore, regrette Mme Champagnat.

Deux enquêtes seulement ont abouti en 2007 et 2009 à des mises en examen pour escroquerie organisée, une infraction punie de cinq ans de prison et 375.000 euros d’amende maximum. Mais aucune de ces affaires n’a encore été jugée.

La plus récente concerne deux frères mis en examen à Hyères en septembre 2009. Selon la police, leurs “pondeuses”, cachées dans un local en région parisienne, envoyaient chaque jour 25.000 “ping calls”. Au total, les 1,2 million de victimes ayant rappelé –payant 0,50 à 2 euros par communication– leur ont permis d’engranger 900.000 euros.

Les opérateurs, qui craignent par-dessus tout que leurs clients ne les rendent responsables de ces pratiques, aimeraient pouvoir cesser de reverser l’argent des appels en cas d’escroquerie avérée, explique M. Le Mouël.

Ils pourraient aussi prévenir les clients, par le biais d’un message vocal, avant de les mettre en relation avec un numéro surtaxé, avance Mme Champagnat.