étrolière Ku-S, au large de la péninsule mexicaine du Yucatan, le 5 août 2010 (Photo : Alfredo Estrella) |
[17/08/2010 10:01:23] SONDA DE CAMPECHE (Mexique) (AFP) Les pompiers rangent leurs tuyaux, et les fausses victimes de l’incendie sont emmenées sur des brancards, à la fin de cet exercice de sécurité sur la plateforme de forage Ku-S, à 40 km de la côte de la péninsule du Yucatan, à l’extrême sud-est du Mexique.
On est loin de la Louisiane, à l’autre bout du golfe du Mexique, mais la catastrophe provoquée par l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon de la compagnie BP (11 morts, plus de 4 millions de barils écoulés avant le colmatage de la fuite à 1.500 mètres de profondeur) a poussé partout à renforcer les précautions antimarée noire.
Ici en particulier: le Mexique, à la recherche de nouveaux gisements pétroliers pour relancer sa production en baisse, prépare des forages en eaux profondes, bien au-delà de ses expériences actuelles.
Ku-S, sur le gisement Ku Maloob Zaap, ne plonge qu’à 60 mètres. Loin des 500 mètres où commencent les forages considérés comme profonds, et encore davantage des 2.600 mètres où la compagnie nationale Pemex (Petroleos Mexicanos) compte s’aventurer au printemps 2011.
Elle espère y trouver jusqu’à 53 milliards de barils de réserves, 55 ans de la production totale actuelle.
écurité sur la plateforme pétrolière Ku-S, au large de la péninsule mexicaine du Yucatan (Photo : Alfredo Estrella) |
Le Mexique reste l’un des principaux producteurs mondiaux de pétrole, qui assure 40% de son budget national. Mais sa production a fondu, passant de 3,3 millions de barils/jour en 2004 à 2,6 millions l’an dernier, avec le tarissement de son gisement historique, Cantarell.
Ku-S est devenue la référence-sécurité de Pemex, qui y multiplie les expérimentations, et le directeur de la plateforme, Francisco Contreras, y écarte tout risque de catastrophe du style Deepwater Horizon.
“Tous les risques sont mesurés, tous les systèmes sont automatiques”, explique-t-il en montrant trois alarmes complémentaires, qui coupent le flux de brut en cas de fuite.
“Nous allons doubler notre capacité de forages à grande profondeur d’ici à l’an prochain”, affirme le directeur de l’exploration et des opérations de Pemex, Carlos Morales Gil.
Mais Pemex est un peu seule, face à cette technologie nouvelle pour elle.
Malgré l’insistance du président Felipe Calderon, la réforme de la compagnie nationale votée fin 2008 ne lui permet toujours pas de s’associer à des partenaires étrangers.
Ce manque d’expérience accroît le danger, avertit l’expert indépendant David Shields, auteur de plusieurs ouvrages sur Pemex.
Pemex devrait “suspendre pour quelque temps ses projets en eaux profondes”, conseille-t-il, car elle “n’en a pas l’expérience” et parce que la législation la contraint à “absorber tous les risques”.
“S’il y a quelque chose à apprendre de la marée noire de BP, c’est simplement qu’aucune technologie n’est totalement sûre, et qu’aucune technologie ne sert en cas d’explosion et d’écoulement”, insiste-t-il.
Avec les écologistes qui prônent le recours aux énergies renouvelables, Alejandro Olivera, océanologue de Greenpeace Mexique, va plus loin: “il ne faut plus forer en eaux profondes”.
“Tant qu’on s’en tiendra à ce genre de technologie, selon toute probabilité on aura des marées noires”, martèle-t-il.
Le Mexique en a connu une importante, en 1979, un déversement de plus de 500 tonnes de brut. Il a fallu neuf mois pour le contrôler, sur le puits Iztoc, à quelques kilomètres de Ku-S.
Mais Pemex a tranché: en novembre, la première de trois nouvelles plateformes d’exploration semi-submersibles sera installée dans le sud du golfe, sur un site à 940 de profondeur.
Une fois le personnel “familiarisé avec la technologie”, elle sera transférée sur le puits Maximino, à 28 km de la frontière maritime des Etats-Unis, pour forer à 2.600 mètres, record national de profondeur.