Tunis peut-il devenir une grande métropole internationale ? Jalel Abdelkéfi, architecte-urbaniste-paysagiste, titulaire du Prix Aga Khan* d’architecte semble en douter.
Tunis peut-il devenir une métropole internationale –à l’image de Paris ? D’entrée de jeu, Jalel Abdelkéfi assène sa réponse-conviction : «Avec l’urbanisation spontanée qui modifie le paysage, Tunis ressemble beaucoup plus au Caire qu’à Paris». De même, la question de la modernité, centrale dans la réflexion sur le Grand Paris de 2050, semble un peu déplacée à cet architecte-urbaniste-paysagiste en ce qui concerne Tunis. «Sommes-nous dans la modernité ?», se demande-t-il, pour répondre aussitôt que «nous sommes dans la modernisation qui a commencé très tard».
Alors, Tunis une métropole ? Pour Jalel Abdelkéfi, «cela se passe différemment chez nous. Nous avons certes des schémas-directeurs d’aménagements nationaux et régionaux. Mais leur impact est très faible sur l’organisation du territoire». Ce lauréat du Prix Aga Khan d’architecture voit une confirmation de son assertion dans l’expérience de Sfax en matière d’aménagement du territoire. «Le schéma-directeur est affiché depuis trente ans, mais il se passe autre chose dans la réalité». Conséquence : «les élites de la région quittent Sfax pour Tunis». Et s’il pense que «nous nous sommes lancés aujourd’hui dans la métropolisation», Jalel Abdelkéfi estime qu’ «il y a un problème de mimétisme entre nous et l’Europe» et que «nous ne sommes pas actuellement en mesure de penser notre modernité».
Retraçant le cheminement urbanistique de la capitale, ce fondateur de l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis rappelle que ce sont des experts italiens qui ont, en 1962, conçu le premier plan directeur de Tunis, donnant ainsi naissance à l’expression «Grand Tunis».
Ensuite, «on a créé le gouvernorat-mairie, un extraordinaire mélange dans lequel le maire est à la fois élu et nommé», se moque un peu Jalel Abdelkéfi. Cette formule a perduré jusqu’en 1972 quand a été créé le District de Tunis «avec ses 23 communes et 900 mille habitants, contre 13 et 600 mille en 1960». Désormais «c’est le ministère de l’Intérieur qui planifie le district, et ce changement de tutelle sera fatal», estime l’architecte. Pour qui «la planification sera ultérieurement rendue encore plus difficile par le découpage du district en trois gouvernorats».
Convaincu que «la question institutionnelle est essentielle pour aborder celle de la métropolisation», Jalel Abdelkéfi observe que «la confusion à Tunis s’est terminée avec le remplacement du district par l’Agence de Rénovation et de Réhabilitation Urbaine (ARRU)». Mais cela n’empêche pas l’architecte d’observer que «nous assistons aujourd’hui à une juxtaposition de grands projets avec des investissements étrangers en vue d’attirer une clientèle internationale». Des projets à propos desquels Jalel Abdelkéfi ne cache pas son scepticisme.
——————–