«C’est un problème national et c’est à l’Etat d’intervenir pour le régler». Celui qui s’exprime ainsi, lors d’une conférence de presse organisée mercredi 18 août aux studios de la chaîne, est Nabil Karoui, président de Nessma. L’objet de son courroux est bien entendu les mesures d’audience pour le mois du ramadan et lesquelles, d’après lui, sont loin d’être crédibles, fiables et scientifiques.
«Nous avons l’air d’être des pygmées en matière de communication», renchérit, pour sa part, Tarak Ben Ammar, actionnaire de la chaîne. Tarak Ben Ammar qui vient tout récemment d’être reçu par le président de la République pour lui exposer ce que nous pouvons aujourd’hui appeler «L’affaire des taux d’audience des médias» : «Le président a été réceptif et m’a promis de prendre les mesures nécessaires». Le manque de professionnalisme tue la liberté, tonne Tarak Ben Ammar. Les jeux sont faussés, estime pour sa part Nabil Karoui. Car comment peut-on se fier à des agences qui mesurent l’audimat sans être soumises à des règles draconiennes qui assurent les droits de tout et un chacun à être jugé selon la réalité du marché et en fonction de ses performances et de ses réalisations.
Peu confiante dans les mesures d’audience réalisées par Mediascan et Sigma, Nessma a lancé sa propre enquête quantitative sur le Web au cours du 3ème au 7ème jour du mois de ramadan. Les résultats de l’enquête ayant concerné 800 personnes interviewées sur tout le territoire national, c’est la chaîne maghrébine qui arrive en tête de liste avec un taux de pénétration de 73% et un taux d’audience de 39%. Le sitcom «Nsibti Laaziza arrive en tête de tous les programmes avec un taux de pénétration de 55%», affirme Nabil Karoui.
C’est le «no man’s land» en matière de mesures d’audience dans notre pays, avance Tarak Ben Ammar, ce qui laisse aux agences d’enquêtes médias le champ libre pour décréter en toute iniquité et loin de toute rigueur scientifique quelle est la chaîne la plus regardée et celle qui ne l’est pas. «Ca suffit, nous ne pouvons plus tolérer que des personnes s’érigent en juges».
«On s’attaque à des enjeux économiques de taille, on menace des postes d’emplois, on cultive la confusion chez les annonceurs. Ce qui se passe est très grave et nous sommes prêts à aller jusqu’au bout cette fois-ci», assure Nabil Karoui qui profite de l’occasion pour affirmer que les annonceurs et les agences de communication continuent à faire confiance à la chaîne au vu de sa grille de programmes ; une grille qui figure parmi les meilleurs dans le monde arabe.
Les données d’audiences semblent déconnectées de la réalité du terrain, les méthodologies utilisées doivent, elles-mêmes, être revues. Les divergences entre les deux agences citées plus haut peuvent aller jusqu’à des différences variant entre 33%, 15 et 75% selon la présentation de Nessma à l’occasion de la conférence de presse.
Pour préserver les intérêts des uns et des autres et éviter que deux seuls opérateurs soient seuls juges en matière de données d’audience, il suffit de s’inspirer d’expériences vécues dans d’autres pays. Les instituts de mesure des audiences partout dans les pays développés mettent au point un panel représentatif des foyers mis à jour régulièrement. Ce qui est déterminant, c’est le comportement des panelistes et non pas celui de la population entière. Les agences qui exercent dans notre pays opèrent-elles de la même manière ? «Je ne peux admettre qu’une agence appartenant à un Français résident au Maroc juge de la qualité des programmes diffusés à partir de la Tunisie et s’accorde un droit de regard sur le taux d’audimat et les mesures d’audiences, moi-même au bout de 35 ans d’exercice dans le secteur de la communication n’arrive pas à saisir ces mécanismes», affirme M. Ben Ammar.
En France, pour déterminer les parts de marchés des supports audiovisuels, Médiamétrie reste l’Institut de référence. Grâce à un système de boîtier servant d’interface entre la télécommande, le téléviseur et un modem, l’utilisateur informe le boîtier de son choix qui est transmis directement vers le serveur de l’Institut de mesure d’audience (un principe similaire à ce qui se passe pour la mesure d’audience des sites web). Fait significatif : Médiamétrie France est contrôlé et financé par toutes les chaînes et diffuseurs.
«Nous n’allons pas réinventer la lune, il suffit tout juste de voir ce qui se passe ailleurs et s’en inspirer», indique Tarak Ben Ammar.