Vente des Mistral à la Russie : une difficulté de plus pour l’industrie française à l’export

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élicoptère atterrit sur le Mistral, le 11 juin 2009 (Photo : Pascal Subtil)

[20/08/2010 16:31:54] PARIS (AFP) La décision de la Russie de mettre fin aux négociations exclusives avec la France pour l’achat de porte-hélicoptères est une mauvaise nouvelle de plus pour l’industrie française de l’armement, qui peine à placer à l’étranger ses plus belles réalisations.

Cette péripétie rappelle les difficultés d’autres grands noms de l’industrie française de la défense: l’avion de chasse Rafale de Dassault n’a ainsi jamais été vendu à l’étranger tandis que le groupe EADS peine à imposer son avion-ravitailleur aux Etats-Unis.

“Le problème des Mistral semble être davantage russo-russe que français: l’état major les achèterait bien, mais le lobby industriel veut les fabriquer”, observe Jean-Pierre Maulny, directeur-adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

De même, le méga contrat des ravitailleurs –attribué à EADS avant d’être remis en cause par le Pentagone– s’est heurté à des réalités purement américaines, ajoute-t-il.

Que ce soit en Russie ou aux Etats-Unis, “il est toujours délicat d’exporter dans des pays qui ont leur propre industrie de défense”, acquiesce Zafar Khan, analyste à la Société Générale.

Quant au Rafale, c’est plutôt son rapport qualité-prix, voire son utilité, qui est mis en cause par des analystes interrogés par l’AFP. “Personne n’a besoin de ce type d’avions, même pas les Français”, dit l’un deux sous couvert d’anonymat, ajoutant que de simples missiles peuvent très bien remplir les mêmes missions pour bien moins cher.

Ces difficultés ne doivent cependant pas occulter l’importance du secteur dans le commerce extérieur français. Avec presque 8 milliards d’euros de ventes à l’étranger l’an dernier, la France est le quatrième exportateur mondial, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Russie.

Quelque 100.000 emplois (directs et indirects) dépendent de ces exportations, selon le ministère de la Défense.

“Il y a beaucoup de contrats modestes dont on parle peu”, insiste-t-on à la Direction générale de l’armement (DGA). Les entreprises françaises –comme Thales et Sagem– se distinguent notamment dans l’électronique embarquée, les systèmes de communication, les hélicoptères, les missiles ou les moteurs d’avion.

Reste que si les exportations françaises ont progressé ces dernières années, le marché mondial a crû encore plus vite, fait remarquer M. Maulny. “On perd des parts de marché!”

Or, ce ne sont pas forcément les qualités des produits qui font la différence, souligne Paul Holtom, chercheur à l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Sipri): “Il faut prendre en compte la nature du contrat, voir quelles technologies le fournisseur est prêt à céder et s’il est flexible sur le paiement, s’il y a un soutien politique, etc.”

Le gouvernement français a lancé fin 2007 un plan de soutien aux exportations de défense. Dans la pratique, les gros contrats sont directement négociés depuis la “war room” (état-major, ndlr) de l’Elysée.

“Maintenant, l’Etat tire, mais cela ne garantit pas les commandes”, note Jean-Pierre Maulny.

D’autant que les clients potentiels détestent qu’on annonce comme quasiment conclus des contrats qui n’ont pas encore été signés, hasarde un de ses collègues. Le président Nicolas Sarkozy avait affirmé fin juillet que la décision de construire en France deux porte-hélicoptères de type Mistral pour la Russie était “certaine”.