Notre patron, en bon patron patriarcal, est très à l’écoute du pouls social de l’entreprise et ne rate jamais les occasions sociales ou religieuses qui se présentent sans penser à marquer le coup d’une façon ou d’une autre…
Ainsi pour la fête de l’Aïd El Kébir, il met en vente des moutons à prix « réduits » et avec facilités pour les employés à bas salaires de la boite. Mais attention tous ce fait dans les règles comme d’habitude. Alors il y a d’abord une note de service invitant les intéressés et tout le personnel désireux de bénéficier de ses avantages de s’inscrire au pré de qui de droit à la DAF et de préciser le budget qu’ils programment pour le mouton. La note de service indique par la même occasion le prix plancher de l’année, et toujours en référence au prix du kilo vivant fixé par le Ministère du commerce. Eh bien oui ! On n’est pas là pour faire du commerce de bas étages mais pour le social avec un grand C.
Il faut ensuite que la Direction Générale, c’est-à-dire le Big Boss, examine les demandes et fasse le tri entre ceux qui « méritent » ce bénéfice et ceux qui pour des raisons diverses ne peuvent pas en bénéficier. Alors les malheureux qui ont eu un questionnaire ou une altercation avec un supérieur ou qui n’ont pas su répondre aux questions quand on les questionne sur la marche de la boite peuvent toujours attendre le tarin social de la prochaine fois…
Les bienheureux, ceux qui ont passé la première étape, voient leurs noms s’afficher au su et au vu de tout le monde sur une note de service, une autre, les invitants à s’acquitter au pré e la DAF d’une participation « minimale » attestant leur bonne foi et leur sérieux pour l’achat de leur « allouch » !
Vient ensuite la séance solennelle à laquelle nous sommes tous conviés de facto puisque c’est une réunion de service en bonne et due forme et en présence du Big Boss et du staff des Directeurs… Le Big Boss prend alors la parole, évoque la solidarité, la citoyenneté, le devoir de l’entreprise de prendre soin de ses travailleurs, le devoir de ceux-ci de prendre soin d’elle, la nature sacrée de la fête, et même la conjoncture agricole, le prix du foin et l’état de la sécheresse dans le pays, etc.
Le Big Boss nous indique ensuite infailliblement et en « toute transparence » ce qu’a coûté à l’entreprise sa générosité à lui et sa foi en l’attachement de bénéficiaires à rembourser leur dû dans les délais et nous souhaite aussi bonne fête de mouton cette année et pour les années à venir.
Publié sur WMC Le Mag n°16