égion de Voldograd, le 15 juillet 2010 (Photo : Alexey Druzhinin) |
[22/08/2010 12:55:40] MOSCOU (AFP) A l’heure où l’industrie mondiale des engrais est en pleine ébullition, la Russie, qui convoite elle aussi les généreux bénéfices promis par ce secteur, se lance dans de grandes manoeuvres destinées selon les experts à créer un champion aux ambitions internationales.
Le pays est assis sur les deuxièmes plus importantes réserves au monde de potasse, derrière le Canada et devant son voisin bélarusse, selon les données du service américain de géologie (US Geological Survey).
Or, ce minerai relativement rare, employé dans la confection des fertilisants agricoles, attise de plus en plus les appétits, à mesure que la population mondiale croît et que les surfaces arables se réduisent, explique à l’AFP Gueorgui Ivanine, analyste chez Alfa Bank.
“La demande en nourriture va augmenter et celle en engrais par la même occasion”, déclare-t-il, soulignant que les prix des produits agricoles avaient par ailleurs tendance à grimper.
Une évolution qui explique la bataille observée ces derniers temps dans l’industrie mondiale pour dominer le marché et illustrée notamment par l’OPA hostile lancée vendredi par le géant minier anglo-australien BHP Billiton sur le numéro un mondial des engrais, le groupe canadien Potash Corp.
En Russie, la situation bouge aussi. Depuis quelques mois, les rumeurs sur une fusion entre le premier producteur russe Silvinit et son concurrent Uralkali vont bon train, alors que les cartes ont déjà commencé à être redistribuées au sein même de ces deux groupes.
En juin, l’actionnaire majoritaire d’Uralkali, Dmitri Rybolovlev, a vendu 53,2% de la société, dont 25% au milliardaire russe Souleïman Kerimov, réputé proche du Kremlin.
Puis, à la mi-août, Silvinit a indiqué que des compagnies off-shores, dirigées selon la presse russe par des proches de M. Kerimov, avaient acquis respectivement 20% et 24% de son capital. Quelques jours plus tard, le même groupe annonçait la nomination de Vladislav Baoumguertner, ancien PDG d’Uralkali, au poste de directeur général par intérim de la société.
Des mouvements interprétés par les marchés comme les prémisses d’une fonte prochaine des deux groupes.
Pourtant, l’idée n’est pas nouvelle, souligne M. Ivanine. Au cours des années 2000, le patron d’Uralkali, Dmitri Rybolovlev, avait déjà essayé de réunir ces deux actifs mais il n’y est pas parvenu, en raison de l’opposition de Silvinit, explique-t-il.
Mais désormais, “l’opération est approuvée au plus haut niveau”, ce qui change la donne, affirme-t-il.
“Pour la Russie, cette consolidation pourrait mener à l’émergence d’un champion national de la potasse et rappelle la consolidation dans le secteur pétrolier au début de la dernière décennie”, estime dans une note Tom Mundy, analyste chez Renaissance Capital.
Le nouveau groupe issu de la fusion Uralkali-Silvinit se hisserait au deuxième rang mondial, en assurant 19% de la production de potasse, rivalisant ainsi avec Potash Corp (23% de la production mondiale).
Pour M. Mundy, il n’est pas exclu que la nouvelle entité accepte ensuite l’entrée dans son capital d’un actionnaire minoritaire étranger. Récemment, le quotidien Vedomosti écrivait que Potash Corp lui-même et le groupe minier australien Rio Tinto convoitaient chacun une part de 10 à 15% d’Uralkali.
La Russie “aura beaucoup à faire pour rassurer tout investisseur étranger potentiel que ses droits de propriété seront respectés”, souligne M. Mundy.
Mais si l’affaire est bien menée, cela prouvera que le pays est capable d’attirer capitaux et expertise pour sa modernisation, comme le réclame son président Dmitri Medvedev, conclut-il.