îte le 19 août 2010 à Washington (Photo : Karen Bleier) |
[24/08/2010 22:16:25] WASHINGTON (AFP) Le retrait massif du marché américain de centaines de millions d’oeufs frais potentiellement contaminés par des salmonelles illustre les effets démultiplicateurs d’un dysfonctionnement lorsqu’un secteur est concentré entre les mains de quelques grands producteurs.
“Les salmonelles dans les oeufs n’ont jamais été un problème aux Etats-Unis avant que n’apparaissent dans les années 1980 ces immenses poulaillers industriels”, a affirmé sur CNN Eric Schlosser, auteur du best-seller “Fast Food Nation”, et critique de la “malbouffe” aux Etats-Unis.
Plus de 1.300 personnes ont été intoxiquées depuis le printemps par des bactéries Salmonella enteritidis présentes dans des oeufs frais et plus d’un demi-milliard d’oeufs ont été rappelés du marché, le plus grand rappel de l’histoire pour cette industrie.
Seuls deux producteurs, Wright County Egg, l’un des plus grands du pays, et Hillandale Farms, tous deux situés dans l’Iowa (centre), ont été jusqu’à présent désignés comme étant la source de l’infection. Mais à travers leur distribution ce sont plusieurs dizaines de marques dans 22 Etats qui sont affectées.
Les poules peuvent être contaminées de différentes manières par la nourriture ou des matières fécales de rongeurs qui infectent leurs ovaires puis leurs oeufs.
La quasi-intégralité de la production d’oeufs aux Etats-Unis (95%) est aux mains de moins de 200 entreprises contre 2.500 fermes en 1987, selon les chiffres du groupe professionnel United Egg Producers.
îte à Washington le 19 août 2010 (Photo : Saul Loeb) |
Une douzaine de grands groupes ont un cheptel supérieur à 5 millions de poules chacun et cinq Etats concentrent la production: l’Iowa (centre), l’Ohio, l’Indiana (nord), la Pennsylvanie (nord-est) et la Californie. La population de poules pondeuses est de quelque 280 millions.
“On ne devrait pas trouver de salmonelles dans les oeufs. Jusqu’il y a vingt ans, il n’y en avait pas. C’est depuis qu’on a ces méga-poulaillers qui mettent 150.000 volatiles dans un hangar que vous commencez à voir se développer ce genre d’infections”, affirme encore Eric Schlosser.
“Quand vous entassez des oiseaux aussi près les uns des autres, les maladies se développent”, ajoute-t-il.
L’affaire, qui a éclaté à la mi-août alors que depuis mai des oeufs contaminés ont circulé sur le marché, commence à inquiéter sérieusement les Américains, dont les oeufs sont un des ingrédients quasi-obligatoires du petit déjeuner traditionnel.
En 2009, une grave contamination aux salmonelles de beurre de cacahuètes, un autre aliment cher au coeur des Américains, avait fait 9 morts et des milliers de malades.
L’agence de régulation sanitaire, la FDA, a tapé du poing après le gigantesque rappel d’oeufs, réclamant davantage de pouvoir et d’autorité. Un projet de loi, adopté à la Chambre et en passe d’être voté au Sénat, prévoit que l’agence puisse mener davantage d’inspections et ordonner des rappels, qui jusqu’ici sont toujours “volontaires” de la part des entreprises.
“Cette affaire est à la fois le signe de la défaillance de notre système de régulation mais aussi un indice de ce que les entreprises sont prêtes à faire pour faire de l’argent”, a commenté l’auteur de Fast Food Nation.
L’incident donne de l’eau au moulin des petits producteurs et des partisans de l’économie locale: “je me fais l’avocat des petits producteurs. Les petits fermiers peuvent nettoyer leurs fermes, s’assurer que les animaux ont assez de place. Plus vous voyez les choses en grand, plus vous avez des problèmes”, a affirmé John Boyd, président de l’Association nationale des fermiers noirs.