Le tunnel sous la Manche, pomme de discorde ferroviaire franco-allemande

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à Coquelles, le 1er juillet 2010 près de Calais (Photo : Denis Charlet)

[01/09/2010 17:52:16] PARIS (AFP) Le tunnel sous la Manche, que la Deutsche Bahn (DB) allemande veut faire emprunter à ses trains à grande vitesse, est devenu malgré lui le symbole des difficultés à ouvrir le marché ferroviaire, les contraintes techniques mises en avant pouvant masquer de réelles entraves à la concurrence.

Officiellement, les voies ferrées européennes sont ouvertes à la concurrence depuis le 13 décembre 2009 pour les relations internationales.

Mais le tunnel sous la Manche reste un obstacle : ce maillon essentiel de la route de Londres n’est autorisé pour des raisons de sécurité qu’aux trains de passagers longs de 400 mètres et “insécables” (c’est-à-dire d’un seul tenant).

Les Allemands jugent protectionnistes ces conditions très restrictives imposées par la France et le Royaume-Uni depuis l’ouverture du tunnel, il y a quinze ans.

Concrètement, seules les rames d’Eurostar – la compagnie qui assure les relations Paris-Londres et Bruxelles-Londres – peuvent l’emprunter.

A Berlin, on soupçonnne volontiers Eurostar et sa maison mère la SNCF de se livrer un lobbying assez efficace auprès des gouvernements français et britannique pour que les règles de sécurité ne soient pas modifiées.

Les trains à grande vitesse allemands ICE3 font en effet 200 mètres de long.

La DB n’a jamais caché son intérêt pour l’ouverture de liaisons vers Londres avant les jeux Olympiques de 2012. Elle estime à plus d’un million par an le nombre de passagers potentiels depuis l’ouest de l’Allemagne.

La compagnie allemande a donc logiquement mis le dossier au menu du “dîner du rail” franco-allemand organisé mardi soir à Berlin. Celui-ci réunissait son président, Rüdiger Grube, celui de la SNCF, Guillaume Pepy, et les ministres des Transports des deux pays.

Mercredi, M. Grube s’est dit “très optimiste” quant à l’obtention d’une autorisation définitive de circulation des ICE pour 2012.

Il a aussi confirmé qu’un train à grande vitesse allemand ferait bientôt un voyage d’essai jusqu’en Angleterre : “Nous irons le 19 octobre à (la gare londonienne de) Saint-Pancras avec un ICE” et “nous ferons un test d’évacuation”, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

Les choses ne sont visiblement pas si simples, puisque la DB n’a pas encore reçu l’autorisation nécessaire.

“Ce test n’est pas encore autorisé. Nous venons juste de recevoir le dossier de la DB”, a indiqué à l’AFP la Commission intergouvernementale (CIG) franco-britannique garante de la sécurité dans le tunnel, précisant que la visite du train allemand aurait plutôt lieu dans la nuit du 16 au 17 octobre.

Du côté d’Eurotunnel, le gestionnaire du tunnel sous la Manche dont les rapports avec Eurostar sont très tendus, on est très favorable à l’arrivée de concurrents. D’autant que l’ouvrage n’est actuellement utilisé qu’à 50% de sa capacité.

“La technologie a évolué. Il est nécessaire d’adapter les règles de sécurité pour permettre à davantage d’opérateurs de circuler dans le tunnel, avec le souci d’assurer une sécurité maximale”, estime Jacques Gounon, le PDG d’Eurotunnel.

La règle des trains longs de 400 mètres devrait rester, mais ils ne devraient plus forcément être “insécables” à l’avenir, ce qui veut dire que la DB pourrait faire rouler des ICE3 couplés.

Pendant ce temps, Eurostar ne compte pas rester inactif. “Aujourd’hui nous desservons Londres, Paris et Bruxelles, et demain on pourra attaquer d’autres marchés”, a indiqué à l’AFP son directeur général, Nicolas Petrovic.

“Ca nous permettra de pousser la marque Eurostar en Europe”, a-t-il ajouté. En Allemagne?