Allemagne : le gouvernement de Merkel empêtré dans le casse-tête du nucléaire

photo_1283593734211-1-1.jpg
ût 2010 à Rostock (Photo : Johannes Eisele)

[04/09/2010 09:51:30] BERLIN (AFP) Tiraillé entre les arguments économiques, climatiques et l’hostilité des Allemands à l’atome, le gouvernement d’Angela Merkel n’en finit plus de se débattre avec le nucléaire, mais a promis une décision pour la fin du mois.

Quel sursis octroyer aux centrales nucléaires, qui auraient dû fermer progressivement d’ici 2022 selon les plans sociaux-démocrates/écologistes de Gerhard Schröder (1998-2005) ? Comment et combien de temps taxer les groupes énergétiques en contrepartie du report de la fermeture des 17 réacteurs promis par la chancelière ?

Et comment composer avec une opinion majoritairement opposée à cet allongement de durée de vie, alors que des élections législatives se dérouleront dans six Etats régionaux l’an prochain ?

Selon un sondage rendu public vendredi 59% des Allemands sont opposés à un allongement de la durée de vie des centrales nucléaires.

La coalition conservatrice-libérale (CDU/FDP), empêtrée dans ce dossier depuis son arrivée au pouvoir il y a bientôt un an, doit annoncer le 28 septembre un plan fixant les grands axes de la politique énergétique pour les décennies à venir.

Berlin présente le nucléaire comme un mal transitoire “nécessaire” pour permettre l’avènement de “l’ère des énergies renouvelables”, comme l’a dit mercredi Mme Merkel.

La chancelière réunit dimanche des responsables de sa coalition, pour, selon les médias, une tentative de remise en ordre. Car la discorde est complète et les ministres n’hésitent même pas à se contredire publiquement. Un rapport d’experts remis fin août devait clarifier la situation. Mais “chaque camp en a tiré les interprétations qui l’arrangent”, persiflait le quotidien Süddeutsche Zeitung.

Le ministre conservateur de l’Environnement Norbert Röttgen (CDU) veut limiter à 8 ans la prolongation des réacteurs. Son collègue à l’Economie, le libéral Rainer Brüderle, plaide pour 12 à 20 ans, le dernier réacteur s’éteignant au plus tard en 2045. Pour Mme Merkel, 10 à 15 ans serait “techniquement raisonnable”.

“Nous sommes sur la bonne voie”, a-t-elle assuré cette semaine.

Les experts ont examiné quatre scénarios de rallonge (4, 12, 20 et 28 ans), pour n’arriver qu’à deux conclusions claires.

La première: sans nucléaire, l’Allemagne peut enterrer son objectif ambitieux de réduction d’émissions de CO2 (80% de baisse d’ici 2050 par rapport à 1990).

La deuxième: un allongement de la durée de vie des réacteurs coûterait jusqu’à 36 milliards d’euros.

Mais étant donné les vastes profits attendus pour les groupes d’énergie, le solde resterait positif pour EON, RWE, EnBW et Vattenfall, qui se partagent le marché en Allemagne.

Ces groupes ont recentré leur croisade sur l’autre point épineux du dossier: la taxe sur le nucléaire que Berlin veut instaurer dès 2011 pour encaisser 2,3 milliards d’euros par an, et qui pourrait s’accompagner d’une contribution “volontaire” pour le développement des énergies renouvelables.

Les grands patrons du lobby nucléaire ont marqué un point, puisque le gouvernement Merkel a renoncé à adopter cette semaine le projet de loi créant cette taxe.

Et pour cause, les ministres ne s’entendent ni sur son calcul ni sur sa durée: Wolfgang Schäuble (Finances) la souhaite illimitée, Rainer Brüderle bornée à 2014.

Ils divergent aussi sur la méthode pour contourner le Bundesrat, la chambre où sont représentés les Länder (Etats fédérés), où le camp Merkel n’a plus de majorité. L’opposition menace déjà d’une plainte constitutionnelle, qui pourrait retarder nettement le projet de loi. Et la gronde monte jusque dans des Länder dirigés par les partis de la coalition CDU et FDP.

Les Verts et les militants anti-nucléaires ont appelé à une grande manifestation à Berlin le 18 septembre.