Au delà de la polémique elle-même, qui a déchaîné bien des passions, et les
lectures faites par les uns et les autres et … leurs grilles de lecture, force
est de constater que celle-ci sert bien les médias qui en sont à l’origine. La
bulle médiatique est passée par-là.
La polémique autour des chiffres de l’audience des programmes télévisés
aura-t-elle été, en Tunisie, le fait «médiatique» qui a marqué le mois de
ramadan 2010 qui vit, en ce moment, ses derniers jours? Sans doute. Mais un
autre événement mérite, toutefois, que l’on s’y attarde un peu. Il s’agit
également de la polémique qui a vu le jour concernant la diffusion de trois
programmes télévisés. Les deux premiers sont diffusés par
Nessma Tv : «Nessibti
Laaziza» et «Youssef Al Seddik». Le troisième diffusé sur Hannibal Tv n’est
autre que «Jésus, fils de Marie».
Tout le monde a suivi dans les colonnes de la presse les arguments des uns et
des autres pour notamment fustiger ces programmes. On reproche au premier de se
moquer de l’accent sfaxien. On reproche aux deuxième et troisième de représenter
à l’écran des prophètes.
Au delà de la polémique elle-même, qui a déchaîné bien des passions, et les
lectures faites par les uns et les autres et … leurs grilles de lecture, force
est de constater que la polémique sert bien les médias qui en sont à l’origine.
Loin de penser que les médias en question –Nessma Tv et
Hannibal Tv- ont tout
«prémédité», mais les faits sont là. Il est à préciser, tout d’abord, que les
programmes en question se prêtent bien à la polémique. On ne pouvait que
s’attendre à des réactions de la part du public à propos de programmes qui
irritent les sensibilités pour «Nessibti Laaziza», quoi qu’on ait mangé à toutes
les sauces l’accent du Nord-ouest sans que quelqu’un, par le passé, ne s’en
offusque outre mesure, et des programmes qui font du tort à des croyances pour
les feuilletons traçant la vie de prophètes; la polémique portant de surcroît
sur des produits iraniens que l’on n’a pas vraiment coutume de voir à l’écran.
Une «valorisation excessive» des contenus
Pour revenir à la polémique, celle-ci fonctionne dans les médias comme une
bulle. Les spécialistes ont lancé d’ailleurs un concept qui va comme un gant à
ce à quoi nous avons assisté il y a quelques jours à longueur de colonnes : une
bulle médiatique : les journaux reprenant en chaîne l’événement. Une technique
pour ainsi dire bien rodée par ces «machines à communiquer», pour reprendre une
formule bien chère au chercheur français Pierre Schaffer, que sont les médias.
Une technique qui aboutit à une «valorisation excessive» des contenus. Comme une
autre bulle –la bulle financière- aboutit à une valorisation excessive des
actifs.
Des spécialistes ont largement étudié, à travers le monde, des expériences
semblables. Pour certains médias de telles polémiques sont, du reste, une manne
du ciel pour fidéliser davantage leurs lecteurs. Ils essayent par tous les
moyens de «recréer l’événement» en ressortant tous les ingrédients en leur
possession. Notamment les interviews dont celles des experts. Avec un usage
excessif des photos et des annonces à la Une.
Pierre Bourdieu avait introduit dans son livre «Sur la télévision», publié en
1996, la formule de «la circulation circulaire de l’information» qui consiste à
dire que la logique commerciale fait que les médias produisent très souvent des
informations produites par d’autres médias. En clair, les contenus des médias
s’enrichissent des contenus des autres médias ; des contenus qu’ils aident à
propager davantage. Cette «circulation circulaire de l’information» est, selon
lui, l’un des mécanismes qui contribuent à l’uniformisation de l’information
elle-même.
A méditer !