Tunisie-Technologies : Mesures d’audience … ou l’arbre qui cache la forêt


programm-tv-06092010-art.jpgS’il y a aujourd’hui focalisation sur la non-crédibilité des résultats des
mesures d’audience à la télévision, il ne faut pas oublier que bien des failles
existent ailleurs. Quid, par exemple, des mesures d’audience de la presse écrite
qui n’a jamais fait l’objet réellement d’une véritable polémique ? De plus, la
technique de l’audimétrie n’a jamais été exempte de toute critique.

La polémique a sans doute désenflé, mais le débat reste d’actualité. En effet,
les voix critiquant les chiffres d’audience révélés, au début du mois de
Ramadan, se sont pour le moment tues, mais le problème reste, comme on le dit,
entier.

La polémique n’est pas nouvelle. On se souvient qu’au début du mois de Ramadan
2005 –le mois saint est-il propice à ce type de polémiques- une autre chaîne de
télévision que Nessma TV,
Hannibal Tv avait attaqué les résultats d’un des deux
opérateurs tunisiens exerçant dans le domaine de la mesure d’audience.

L’objet des critiques ? Le mode de collecte des données jugé non «scientifique»
et donc offrant des chiffres biaisés. Hannibal Tv comme
Nessma tv aujourd’hui
avait plaidé en faveur de la méthode dite de l’«audimétrie». Une technique
largement utilisée dans de nombreux pays développés et pas seulement puisqu’elle
a cours au Maroc et qui consiste à recueillir les informations sur les taux
d’audience des chaînes par l’intermédiaire d’un appareil appelé audimètre et
relié d’une part à un téléviseur et d’autre part à une ligne téléphonique qui
transmet les informations à un ordinateur qui les traite.

Rien à voir avec les autres techniques utilisées. Que ce soit les enquêtes
réalisées par questionnaires et basées sur des interviews -qu’il s’agisse
d’interviews en face à face ou par téléphone ou encore les enquêtes réalisées
grâce à des carnets d’audience distribués à des panelistes qui notent
quotidiennement ce qu’ils regardent à l’écran. Les résultats obtenus par ces
méthodes se basent sur la seule mémoire du téléspectateur ; ce dernier pouvant,
par voie de conséquence, se tromper, confondre, oublier voir mentir. Loin d’être
le cas de l’audimétrie.

D’autant plus que la technique de l’audimétrie offre un avantage de taille : la
structure qui gère le recueil des informations est une entité indépendante.
Grâce à la présence au niveau de ses instances de décision et dans son capital
de l’ensemble des professionnels (médias, annonceurs et agences de publicité).
C’est partout le cas où la méthode a été mise en place.

L’histoire ne peut évidement s’arrêter ici. Tant les choses sont complexes et le
débat initié en matière de mesure d’audience nécessite de la part de tout un
chacun bien des réflexions.

Il est incontestable que les opérateurs qui réalisent les mesures d’audience en
Tunisie prêtent bien le flanc à la critique. Les résultats qu’ils publient
présentent bien des insuffisances qui poussent tout un chacun, même s’il n’est
pas spécialiste, au doute. Les spécialistes notent, à ce juste propos, au moins
deux travers qui constituent des failles incontestables. D’abord, une quasi
absence de transparence quant au mode de production des résultats (construction
des échantillons et des questionnaires, mode d’administration, nombre des
personnes chargées de l’enquête, qualification de ces derniers, mode de contrôle
des résultats obtenus,…).

L’audiométrie n’a jamais été exempte de toute critique

Ensuite, la conduite des enquêtes réalisées : enquêtes conduites dans le seul
milieu urbain et dans des villes de la zone côtière lorsqu’elles ne sont pas
réalisées dans seulement deux ou trois villes, réalisation des enquêtes dans
certaines zones des grandes villes (autour des espaces commerciaux par exemple)…
Ce qui ne rend pas les échantillons représentatifs de toute la population. Des
aspects qu’une loi relative à la profession de sondeur ou un cahier des charges
peuvent aider à clarifier.

Certes, mais le problème est plus profond. Car la technique de l’audiométrie n’a
jamais été exempte de toute critique. Des dirigeants de grandes chaînes de
télévision françaises de premier plan ont tiré, il y a quelques années, à
boulets rouges sur l’institut de mesure d’audience Médiamétrie exprimant de
sérieux griefs quant aux mesures obtenus pour certains de leurs programmes.

Dans le même ordre d’idées, s’est-on interrogé sur le coût de la mise en place
d’un tel projet en Tunisie ? De plus, les acteurs du secteur des médias (médias,
annonceurs et agences de publicité), qui n’ont pas l’habitude de s’associer en
commun dans des projets, peuvent-ils créer une telle structure ? L’expérience en
matière de mise en place d’entités pour la distribution des journaux en dit long
sur la réussite de tels projets. Les bonnes intentions sont bien là au départ,
mais par la suite… chacun trouve quelque chose à dire et quitte la table.

En fait, s’il y a aujourd’hui focalisation sur la non-crédibilité des résultats
des mesures d’audience, il ne faut pas oublier que bien des failles existent
ailleurs. Quid, par exemple, des mesures d’audience de la presse écrite ? Qui
peut attester que les chiffres des tirages, des ventes, des invendus de la
presse écrite sont exacts ? Existe-t-il une structure comme l’Association pour
le contrôle de la diffusion des médias, en France par exemple, l’ancien OJD
(Office de justification de la Diffusion), pour précisément justifier ces
résultats. Idem pour les chiffres de l’audience radio. Qui peut, par ailleurs,
déterminer exactement les montants de la manne publicitaire et affirmer
qu’est-ce qui revient à la presse écrite, qu’est-ce qui revient à la télévision,
ou à un tout autre média dans ces 100 millions de recettes publicitaires
avancées pour 2009 ? Tout le monde évoque des chiffres «théoriques» qui ne
prennent pas en compte les ristournes et autres remises largement pratiquées.
Des données au sujet desquelles tout le monde peut avoir beaucoup à dire.