En Allemagne, pas de flambée des salaires en vue, malgré le boom

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ère allemande Angela Merkel et Michael Sommer, chef de la confédération syndicale DGB, le 9 septembre 2010 à Berlin (Photo : Johannes Eisele)

[11/09/2010 09:22:43] BERLIN (AFP) Les statistiques ont dressé cette semaine le portrait d’une Allemagne où les salaires sont à la traîne de la croissance, et la situation ne devrait pas changer du jour au lendemain, malgré les appels des syndicats et des pays voisins à plus de largesse.

De tous les pays de l’Union européenne, l’Allemagne est celui où les salaires ont le moins augmenté depuis dix ans, selon une statistique parue mercredi.

Cette modération profite à la première économie européenne, qui a gagné deux places dans le classement mondial de la compétitivité publié jeudi par le Forum économique mondial, pour se hisser au cinquième rang.

Cette année, les salaires dans le pays devraient augmenter en moyenne de 1,5% par rapport à 2009, a calculé Alexander Koch, économiste de la banque Unicredit, alors que la croissance devrait atteindre au moins 3%.

Le contraste agace certains pays comme la France, qui souhaiteraient que les Allemands gagnent plus pour consommer plus.

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ère allemande Angela Merkel et Michael Sommer, chef de la confédération syndicale DGB, le 9 septembre 2010 à Berlin (Photo : Johannes Eisele)

Les syndicats allemands élèvent aussi le ton: “Le tour de nos gars est venu” de profiter de la reprise, répète Michael Sommer, le chef de la confédération syndicale DGB.

Jusqu’à la chancelière conservatrice Angela Merkel qui déclarait jeudi: “Il ne faudrait pas que les salariés qui ont montré leur bonne volonté pendant la crise soient déçus pendant la reprise.”

Son appel risque cependant de faire long feu, le patronat allemand ayant déjà mis en garde contre des hausses de salaires trop fortes qui étrangleraient la croissance.

Les négociations en cours dans la sidérurgie pourraient avoir valeur de test: le syndicat IG Metall réclame une hausse de salaire de 6% pour les 85.000 salariés concernés.

Mais le principal ennemi des syndicats est le calendrier.

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à Francfort (Photo : Thomas Lohnes)

La majeure partie des 3,4 millions de salariés pour lesquels négocie IG Metall, qui travaillent dans l’automobile ou la construction de machines-outils, ne pourront renégocier leurs rémunérations avant l’expiration des accords en cours, en 2012.

Pour ceux de la chimie, ce ne sera pas avant le printemps prochain.

“Pour 2011, l’évolution des salaires dans plusieurs secteurs clé est déjà verrouillée”, commente Alexander Koch.

Or, la croissance allemande, même robuste, donne des signes de ralentissement: les demandes de revalorisation salariale risquent d’arriver trop tard.

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à Francfort (Photo : Thomas Lohnes)

Autre obstacle à un sursaut salarial en Allemagne: la multiplication des versements de primes uniques au détriment de revalorisations définitives.

La fondation de recherche Hans-Böckler, proche des syndicats, parle d’une progression sournoise” de cette pratique et prévient: “Si les primes uniques se font au détriment de hausses de salaires, les revenus des salariés vont au final baisser”.

Par ailleurs, même si les grands syndicats arrivent dans les prochaines années à arracher d’importantes revalorisations notamment dans l’industrie, tout un pan de la population allemande n’en profitera pas: celui qui travaille dans des secteurs comme l’hôtellerie-restauration, où temps partiel et faibles salaires sont la règle.

“En Allemagne, la part des bas salaires (ndlr: moins de deux tiers du salaire horaire médian de l’ensemble de la population) est passée de 14 à 22% en une douzaine d’années”, rappelle à l’AFP Arnaud Lechevalier, chercheur au centre franco-allemand Marc-Bloch.

L’universitaire égratigne au passage le gouvernement allemand, prompt à balayer les critiques venues de l’étranger en affirmant que les salaires en Allemagne sont l’affaire des partenaires sociaux: “L’Etat pourrait faire beaucoup s’il le voulait, par exemple en fixant un salaire minimum valable pour tous”.