Québec : mettre en bouteille de l’eau du robinet

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Un robinet (Photo : Eric Piermont)

[12/09/2010 12:23:59] MONTREAL (AFP) Mettre en bouteille de l’eau du robinet, payée 2 cents les cent litres, et la vendre, quelque peu purifiée, jusqu’à 3 dollars le litre, semble une excellente affaire, mais le procédé de PepsiCo, dénoncé par un journal, soulève un débat au Québec.

“Une guerre de l’eau à Montréal”, a titré en première page le quotidien indépendant “Le Devoir”, rapportant que plusieurs groupes et associations, tels l’Institut Polaris ou la Coalition Eau Secours! dénonçaient un “détournement de l’eau du réseau public”.

“Le problème est éthique”, déclare à l’AFP Frédéric Lasserre, directeur de l’Observatoire international de recherches internationales sur l’eau (ORIE), basé à l’université Laval de Québec, du fait que “l’industrie se fait beaucoup d’argent grâce au contribuable” qui finance, via les impôts locaux à Montréal, son approvisionnement en eau potable.

Il n’a pas été possible d’obtenir une réaction directe de PepsiCo, qui a installé une unité de production à Montréal il y a environ un an.

La compagnie refuse de révéler le volume des ventes de son eau “déminéralisée” baptisée Aquafina, ou ses marges bénéficiaires, et renvoie les journalistes vers une société extérieure de relations publiques. Celle-ci les renvoie à son tour vers l’Association des embouteilleurs de boissons gazeuses du Québec (AEBGQ).

Le porte-parole de cette dernière, M. Martin-Pierre Pelletier, a lui aussi éludé la question sur les profits, affirmant toutefois que “les marges étaient très minces”, grevées par les coûts élevés du transport, du réseau de distribution et des réfrigérateurs dans les points de vente.

L’eau vendue en bouteille, a-t-il argumenté, subit un “processus rigoureux” de filtration et de purification, comprenant notamment l’osmose renversée et l’ozonisation, et finit par avoir un “goût différent” de celle du robinet.

Cependant, plusieurs Montréalais interrogés au hasard par l’AFP, ont affirmé ne pas observer de différence marquée de goût entre l’eau du robinet et celle vendue en bouteille.

C’est plutôt la facilité d’accès et de transport qui semble assurer le succès de cette dernière, souvent consommée dans les parcs et les rues, voire en voiture, dans le métro et sur les lieux de travail.

La matière première des bouteilles, le plastique PET est facilement recyclable, le prix payé à la société municipale d’eau de Montréal, “raisonnable” et PepsiCo n’est pas l’unique gros utilisateur de l’eau du robinet, a affirmé M. Pelletier, citant le grand producteur de bière, Molson. Et son procédé n’a rien d’exceptionnel: il est pratiqué un peu partout dans le monde.

Ce n’est pas du tout l’avis de Daniel Cayley-Daoust, de l’Institut Polaris, une organisation écologiste qui a déclaré la guerre à l’eau en bouteille et notamment aux bouteilles en plastique qui polluent le milieu naturel.

La purification dont parle PepsiCo “n’est qu’une pseudo-transformation, voire une simple technique de marketing”, affirme M. Cayley-Daoust, responsable de la sensibilisation publique chez Polaris.

Son avis est partagé par Frédéric Lasserre, qui parle de “transformation cosmétique”.

Il est vrai, reconnaît-il, que le plastique PET est facilement recyclable, mais il n’est pas biodégradable. Autrement dit, les bouteilles vidées à la maison, qui se retrouvent dans les bacs bleus ou verts destinés aux matières à recycler, le sont effectivement. En revanche, celles qui restent dans la nature la polluent durablement.