La prime de participation, grande idée gaulliste, a perdu de sa singularité

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à l’Elysée, le 28 juillet 2010 (Photo : Eric Feferberg)

[19/09/2010 10:37:47] PARIS (AFP) Pierre d’angle du gaullisme, la participation des salariés aux profits de l’entreprise, à travers une prime indexée sur les bénéfices, a perdu une partie de sa singularité en s’apparentant peu à peu depuis dix ans à un surplus de salaire aléatoire.

Créé en 1967 par une ordonnance du général de Gaulle, “ce nouveau droit reconnu aux salariés” devait “faire participer les travailleurs à l’expansion des entreprises” et “permettre un développement de l’épargne”, en les obligeant à mettre la somme de côté pendant au moins cinq ans.

Depuis 2009, la prime de participation n’est plus systématiquement bloquée et le salarié peut demander à la percevoir immédiatement.Ce changement s’inscrit dans la logique de la majorité UMP conduisant à rapprocher la participation de la prime d’intéressement, moins contraignante pour les entreprises car l’intéressement est facultatif et renégociable.

Un crédit d’impôts de 20% a été instauré en 2009 pour les entreprises concluant un accord d’intéressement. Pour l’instant, la ministre de l’Economie Christine Lagarde préférerait ne pas y toucher : “dressons d’abord un bilan avant de décider de son sort”, a-t-elle dit au Figaro mercredi.

Enthousiaste hier, le patronat proteste aujourd’hui.

En cause, la hausse annoncée du prélèvement social forfaitaire sur les primes de participation et d’intéressement.

Ce “forfait social”, qui n’existait pas avant 2009, passerait de 4% à 6%, a implicitement confirmé jeudi le ministre du Budget François Baroin.

On reste loin d’un relèvement à 19% préconisé par la Cour des Comptes.

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és français (Photo : Mychèle Daniau)

“Le système a été dévoyé. Désormais, les salariés peuvent retirer tout de suite l’argent de la participation. Il n’y a plus de différence avec du salaire. Le gouvernement a voulu donner du pouvoir d’achat à court terme et au moment où il cherche de l’argent, il est facile de dire que ces mécanismes peuvent supporter les mêmes charges que les salaires”, se plaint Pierre Nanterme, président de la commission économique du Medef.

“Il s’agit de faire des choix, on ne renonce ni à l’intéressement ni à la participation, mais on a besoin de trouver 40 milliards”, a justifié M. Baroin.

La Cour des Comptes évalue à 5,2 milliards d’euros le manque à gagner pour la Sécurité sociale cette année : autrement dit, la somme que la Sécu aurait perçue si les primes de participation et d’intéressement avaient été soumises au taux normal de cotisation maladie, vieillesse, etc, comme les salaires.

Toutes les entreprises ne versent pas ce type de primes, mais les montants en jeu sont en forte progression d’année en année.

“Il y a une forme d’optimisation des entreprises qui faisait que c’était plus avantageux de distribuer du revenu par ce biais non taxé” voire “une dérive”, analyse Pierre Rabaté, rapporteur général à la Cour des Comptes.

L’expert CGT en la matière, Pierre-Yves Chanu, observe aussi sans enthousiasme l’essor, depuis la loi Fabius de 2001, de ces primes qui tendent à devenir du salaire bis alors qu’elles n’en sont pas, et font concurrence à la négociation salariale.

“Le rythme annuel de progresion de l’épargne salariale depuis 2000 a été trois fois plus rapide que celui de la masse salariale”, dit-il.

Des dispositifs d’épargne salariale, “la participation est sans doute le meilleur car obligatoire et relativement encadré. Mais on souhaite que ce soit une vraie participation aux bénéfices, pas un élément de salaire dépendant des bénéfices”, dit-il. “En revanche, la hausse du forfait social ne nous empêche pas de dormir, cela crée des ressources pour la protection sociale”.