Face à la crise économique, les villes allemandes s’emballent pour la participation citoyenne

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Vue du centre-ville de Cologne le 31 janvier 2007 (Photo : John Macdougall)

[19/09/2010 11:24:36] BERLIN (AFP) Alors que leur situation financière se dégrade, les villes allemandes découvrent les vertus de la participation citoyenne: de plus en plus d’entre elles consultent leurs administrés sur les priorités budgétaires.

Entre 30 et 40 municipalités ont déjà sauté le pas. Des grandes comme Cologne (ouest), Essen (ouest) ou encore Potsdam (est), mais aussi par exemple Solingen, ville de l’ouest de l’Allemagne à la situation financière critique, forcée de tailler dans ses dépenses.

Pour faire passer la pilule auprès des 160.000 habitants, la mairie a soumis 248 mesures budgétaires à un vote sur internet, forçant les administrés à de douloureux arbitrages: fermeture d’une piscine municipale ou du stade de foot ? Suppressions de postes chez les pompiers ou vente des collections du musée local ?

“On a réussi à sortir certains thèmes du domaine du tabou”, se félicite Lutz Peters, porte-parole de la mairie. “On ne discutait plus sur un seul sujet, par exemple la fermeture du stade, à laquelle tout le monde est spontanément opposé, mais sur un paquet global”.

Les votes du public ont permis de sauver une piscine, que les projets de la mairie avaient condamnée.

Avec 3.600 participants, soit plus de 2% de la population, le processus “a eu beaucoup de succès” à Solingen, juge Oliver Märker, consultant et responsable d’un site consacré à la question. “De façon générale, on estime qu’environ 1% des citoyens s’impliquent activement”, selon lui.

C’est à Porto Alegre, au Brésil, qu’est née l’idée, pour associer la population à l’allocation de ressources limitées, et au vu de gros problèmes sanitaires et sociaux.

En Amérique du Sud “le processus existe depuis plus longtemps et il est plus avancé”, explique M. Märker. En Allemagne “la tendance va s’amplifier au fur et à mesure que la crise des finances communales s’aggrave”. Une centaine de villes ont déjà des projets plus ou moins avancés.

“Nous voulons que les gens nous disent ce qui est important pour eux, et par défaut, ce qui n’est pas important passe à la trappe”, explique Bellay Gatzlaff, chef des services administratifs de la ville d’Eberswalde, proche de la frontière polonaise. Avec 15% de chômeurs parmi ses 41.000 habitants et des comptes dans le rouge, Eberswalde ne peut pas se permettre de dépenses inutiles.

La crise économique a sérieusement amputé les revenus des communes, essentiellement la taxe professionnelle. Cette année, malgré la reprise, leur déficit cumulé sera de 12 milliards d’euros, et beaucoup sont sur-endettées.

La participation citoyenne est aussi vue comme un moyen de contrer le ras-le-bol de la politique et l’abstention électorale.

L’exemple de Stuttgart (sud), où la mobilisation contre un gros projet d’aménagement ferroviaire adopté en 1995 tourne à la crise politique nationale, plaide pour impliquer les citoyens le plus tôt possible. “Tout le monde veut éviter de se retrouver dans une situation du type Stuttgart”, analyse M. Märker.

L’exercice a pourtant ses limites. “Est-ce-que les citoyens veulent être impliqués ? Certains trouvent que voter tous les quatre ans est largement suffisant”, estime M. Gatzlaff. L’an dernier, seuls 11 habitants d’Eberswalde ont pris position sur le budget communal.

Autre obstacle, le coût: mettre en place le processus représente un investissement de 20.000 à 120.000 euros, estime M. Märker. Pour Eberswalde, qui aimerait en faire plus, “nous devons nous poser la question, est-ce-que je veux y consacrer une personne, ou plutôt conserver un emploi au musée ?”, interroge M. Gatzlaff.