Le méga-procès belge des dérives de la bulle internet épargne Dexia et KPMG

photo_1285000635732-1-1.jpg
Hauspie, Pol Hauspie (g) et Jo Lernout, dans le tribunal de Gand le 20 sepetmbre 2010 (Photo : Dirk Waem)

[20/09/2010 16:39:25] BRUXELLES (AFP) La banque franco-belge Dexia et le cabinet d’audit KPMG se sortent finalement sans laisser trop de plumes du scandale Lernout & Hauspie, symbole en Belgique des dérives de la bulle des nouvelles technologies de la fin des années 1990.

La Cour d’appel de Gand (ouest) a jugé lundi coupables de faux, usage de faux et manipulation de cours Jo Lernout et Pol Hauspie, co-fondateurs de la société de reconnaissance vocale Lernout & Hauspie (LHSP) dont la faillite avait ruiné des milliers d’épargnants au moment de l’éclatement de la bulle.

La peine n’a pas immédiatement été précisée, mais le ministère public avait requis cinq ans de prison.

La Cour a en revanche acquitté KPMG et Dexia, qui risquaient de sérieuses amendes.

Le premier était poursuivi car c’est lui qui validait les comptes de LHSP, Dexia parce qu’elle avait racheté en 2001 la banque Artesia, accusée d’avoir accordé des crédits à la société sans tenir compte de sa situation financière.

Ils avaient déjà payé respectivement 115 et 60 millions de dollars pour faire cesser des poursuites aux Etats-Unis.

photo_1285000668514-1-1.jpg
à l’entrée du siège de la banque, le 9 octobre 2008 à Bruxelles (Photo : John Thys)

Au total, 21 personnes morales et physiques sur le banc des accusés, six ans d’enquête, plus de trois ans de procès dont vingt mois de délibération, un dossier de 400.000 pages d’instruction auxquelles se sont ajoutées des milliers de pages de conclusions, et un arrêt tellement long qu’il aurait fallu plusieurs jours pour le lire si les parties n’avaient pas accepté qu’on se limite lundi aux dispositions principales: le méga-procès Lernout & Hauspie était à la mesure d’une affaire considérée comme “l’escroquerie du siècle en Belgique”.

LHSP a été fondée en 1987 dans la ville flamande d’Ypres par deux amis persuadés que la reconnaissance vocale rendra un jour inutiles clavier et souris d’ordinateur.

Surfant sur l’engouement pour les nouvelles technologies, la PME va devenir en quelques années une multinationale présente sur trois continents, encouragée par la classe politique flamande qui rêve de créer une nouvelle Silicon Valley dans la région d’Ypres, surtout réputée jusqu’alors pour ses drapiers au Moyen-Age et des batailles sanglantes durant la Première guerre mondiale.

En 1995, LHSP entre sur le marché new-yorkais des valeurs technologiques Nasdaq. En 1997, le géant américain du logiciel Microsoft entre à son capital. En 2000, sa capitalisation boursière frôle les 10 milliards de dollars et elle achète la société américaine Dictaphone.

Mais en août 2000, au moment où la bulle internet brille de ses derniers feux, le Wall Street Journal révèle qu’une bonne partie des revenus asiatiques, notamment en Corée et à Singapour, sont fictifs. L’enquête judiciaire montrera par la suite que sur les dernières années, le groupe a utilisé des ventes fictives de licences pour surestimer son chiffre d’affaires de 55% à 85%.

Le cours de Bourse va s’effondrer en quelque jours et LHSP doit se déclarer en faillite, en novembre 2000 aux Etats-Unis, puis en octobre 2001 en Belgique.

Le scandale préfigurait à l’échelle belge une autre faillite retentissante, celle fin 2001 de la société américaine de courtage en électricité Enron, tombée de son piédestal pour avoir masqué des pertes occasionnées par des opérations spéculatives.

Les décisions judiciaires rendues lundi au pénal risquent de ne pas faciliter la tâche des petits actionnaires, qui espéraient récupérer au civil une partie de leurs pertes.

Le cabinet de défense des actionnaires Deminor et l’association de consommateurs Test-Achats réclamaient notamment, au nom de plus de 10.000 investisseurs, une somme qui avec les intérêts atteint 290 millions d’euros.

Parmi les autres parties civiles, les curateurs demandaient 744 millions d’euros, soit l’équivalent du passif de la faillite.