C’est un véritable plébiscite que les places financières majeures de la planète ont réservé à Bâle 3 que le Comité s’est empressé de sortir dans l’urgence le dimanche 12 septembre à l’effet d’apaiser les marchés dès l’ouverture du lundi 13.
C’était donc une véritable course contre la montre que livraient les Bourses qui ont connu un accès d’embellie. Les dispositions de «Bâle» ont été plus clémentes que prévu. L’effort de capitalisation des banques sera supportable, et de plus, il est bien étalé dans le temps, ce qui laissera du temps et des disponibilités aux banques pour continuer à poursuivre la même politique généreuse de distribution. Et c’est ce qui intéresse au premier chef les actionnaires et les zin zin (les investisseurs institutionnels) trop soucieux du rendement de leur portefeuille. Légitime pour les investisseurs mais pas assez sécurisant pour la finance.
D’un Bâle l’autre : raffermir la réglementation prudentielle
Bâle 3, pour ainsi dire, abonde dans la logique de la pondération prudentielle des risques. Elle focalise particulièrement sur la solvabilité des établissements de crédit, ce qui constitue une protection pour les investisseurs. Il fallait, par conséquent, pour la sécurité des marchés, réglementer. Exit donc le ratio Cooke originel, celui introduit par le Comité des 27, composé des régulateurs bancaires et des banquiers centraux, dans «Bâle 1».
La pondération des crédits par la surface nette financière, en ajoutant la notion de division des risques, a été plus affinée. Il fallait un effort supplémentaire de «musculation» et bonjour le ratio Mac Donough. Celui-ci est amené par «Bâle 2» et restreint la pondération aux fonds propres, jugés plus sécurisants. Dans ce sillage, on a introduit la notion supplémentaire du capital économique et donc de la réadaptation de l’épaisseur des fonds propres par rapport au volume des engagements de crédit, ce qui représentait une nouvelle restriction par rapport à «Bâle 1» et sollicitait les actionnaires pour un effort de souscription. Cela fait qu’ils recevaient moins et y allaient en plus de leur portemonnaie pour renforcer le capital.
Bâle 3 porte un coup de vis supplémentaire au ratio Mac Donough, qui a été relevé de 2 à 4,5% et qui ne tient plus compte que des fonds propres durs, le «Cor Tier One». Entendez par-là les actions et les bénéfices en réserve, exclusivement. Et comme le Comité de Bâle et le Conseil de stabilité financière ont jugé de concert qu’il faut étendre le cadre bâlois aux situations extrêmes, on a rajouté une mesure de précaution supplémentaire en exigeant un matelas de sécurité de 2,5% dit de Capital obligatoire toujours calculé par rapport aux «engagements pondérés des risques associés». Outre qu’on pourrait dans ce sillage demander la constitution d’un autre matelas de fonds propres de 2,5% destiné, lui, à faire face aux contingences contra-cycliques si les circonstances y poussent. Donc au minimum 7% qui peut être rehaussé à 9,5%.
La clémence du timing
Cependant, malgré cette tendance à la rigueur et à la fermeté en matière d’exigence de solvabilité, le Comité de Bâle a donné un délai suffisamment long pour permettre aux banquiers de s’ajuster. C’est à partir de 2013 que sera lancé le train des réformes pour se terminer en 2019.
Par ailleurs, le Comité n’a pas émis d’exigence nouvelle en matière de liquidité et le niveau des réserves sera donc maintenu en l’état. Et c’est un «ouf» de soulagement qu’ont émis les marchés parce que «Bâle 3» ne trouble pas la donne du mode de distribution.
– D’un, les banques continueront à disposer de disponibilités, c’est-à-dire de liquidités pour distribuer comme auparavant.
– De deux, elles ne vont pas solliciter les actionnaires pour augmenter le capital. Ce faisant, elles n’exerceront pas d’effet d’éviction au détriment d’autres emprunteurs. Par conséquent, elles ne gêneront pas le financement d’autres secteurs de l’économie. Il faut garder à l’esprit que la capitalisation à 7% des 50 premières banques européennes, tel que calculée par Agefi, coûterait 27 milliards d’euros ! C’est certainement un ordre de grandeur mais il donne une idée des montants à immobiliser et qui déserteront le marché.
– De trois, le maintien du ratio de liquidités n’exercera pas de rétention supplémentaire sur les ressources disponibles actuelles que les banquiers continueront à prêter en totalité au mieux des besoins des clients et pour exercer à plein l’effet de levier. Et, c’est là un gage pour plus de rentabilité. On comprend dès lors le «smile» des marchés.
Les à-côtés de «Bâle 3»
Les analystes pensent que «Bâle 3» est assez poreux sur les côtés. Il n’élimine pas les risques de titrisation. En cas de plafonnement du ratio des fonds propres durs à 7%, rien n’empêche les banques de «dégraisser» leurs engagements via la titrisation. De même qu’il n’apporte rien de nouveau en matière de détection des risques de marché. Cela dit, il ne faut pas jouer aux Cassandre. De 1929 à 2008, on a eu une parenthèse de répit d’un siècle, environ. Donc wait and see !
Faut-il pousser les banques des pays émergents, tel la Tunisie, à aller vers «Bâle 3»? La réponse ne fait pas de doute. Plus de sécurité, c’est aucun mal à se faire du bien. Mais la mentalité dans nos pays est différente. Les banques sont regardées plus comme des bailleurs de fonds indispensables aux entreprises que comme les vaches à lait des actionnaires. Et c’est leur côté vertueux. Leur manne nourricière irrigue l’investissement et l’emploi que les portefeuilles des investisseurs. Et c’est leur côté que nous privilégions.
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