USA : le rêve nucléaire d’EDF vire au cauchemar

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éaire de Tricastin à Bollene, dans le sud de la France, le 9 juillet 2008 (Photo : Fred Dufour)

[27/09/2010 17:56:47] PARIS (AFP) Les difficultés s’accumulent pour EDF aux Etats-Unis, au point de remettre en cause les ambitions du groupe français d’y construire une flotte de quatre réacteurs nucléaires EPR.

Le groupe a reconnu lundi avoir engagé la banque d’investissement Lazard pour le conseiller sur ses “options stratégiques” aux Etats-Unis.

Simultanément, son partenaire américain, le groupe d’électricité Constellation Energy, a pour sa part fait état d’une “série de problèmes” avec EDF.

Le groupe français, qui a racheté fin 2008 la moitié des activités nucléaires de Constellation Energy pour un montant de 4,5 milliards de dollars, pâtit depuis lors d’une conjoncture particulièrement défavorable.

La crise économique et l’arrivée du gaz non conventionnel aux Etats-Unis y ont en effet considérablement amoindri la compétitivité du nucléaire par rapport aux autres sources d’énergie.

La mise en exploitation de nouveaux gisements de gaz naturel (gaz de schiste, gaz de houille, etc.) a fait chuter les cours sur le marché, rendant plus attractif cet hydrocarbure qui contribue déjà à produire près du quart de l’électricité américaine.

Parallèlement, la crise économique a contribué à faire chuter la demande et les prix de l’électricité.

Dans ce contexte, le recours à l’atome, qui nécessite des coûts fixes colossaux (5 milliards d’euros par réacteur), a de moins en moins le vent en poupe. Les investisseurs potentiels risquent en effet de ne pas récupérer leur mise de départ en cas de prix durablement déprimés.

Autre ombre au tableau: le département américain à l’Energie (DoE) n’a toujours pas attribué les garanties de prêt permettant le démarrage de la construction d’un EPR sur la centrale de Calvert Cliffs (Maryland, Nord-Est).

L’administration Obama n’a accordé à ce jour qu’une seule garantie pour la construction d’une centrale nucléaire aux Etats-Unis, celle de Vogtle en Géorgie (sud-est).

Mené par EDF et Constellation, le projet de Calvert Cliffs devait être le premier exemplaire d’une flotte de quatre réacteurs EPR destinés à être implantés aux Etats-Unis.

En juillet, EDF avait déjà pris acte de la dégradation de la situation aux Etats-Unis en passant dans ses comptes une provision de 1,1 milliard d?euros.

“Les prix du gaz et de l’électricité sont bas (aux Etats-Unis) et ce niveau de prix fait courir un risque sur la rentabilité des projets” américains, expliquait alors le directeur financier d’EDF Thomas Piquemal.

Dans la foulée, le bénéfice semestriel du 1er électricien hexagonal avait chuté de 47%.

La situation s’est encore dégradée depuis lors et Constellation envisagerait désormais d’abandonner les projets nucléaires qu’il mène en commun avec EDF, selon plusieurs médias français et américains.

Les deux groupes avaient conclu fin 2008 un accord qui donnait la possibilité à Constellation de céder à EDF ses centrales thermiques pour 2 milliards de dollars. Initialement, cette option devait être uniquement exercée si Constellation, durement touché par la crise en 2008, rencontrait de nouveaux problèmes financiers.

Mais, signe de la détérioration de la relation entre les deux partenaires, l’américain envisagerait aujourd’hui d’exercer cette option alors même que ses centrales ont perdu beaucoup de leur valeur. L’option de vente expire en décembre 2010.

Officiellement, “EDF a toujours pour objectif de continuer le développement de Calvert Cliffs aux Etats-Unis”, assure une porte-parole.

Mais la situation décrite en interne est moins rose. “Il y a un risque sérieux” sur les projets du groupe aux Etats-Unis, confie ainsi un responsable, sous couvert de l’anonymat.