Il va de soi que la fusion entre deux des «majors banques» de la place prend tout son sens, outre l’émancipation de la profession, également dans la perspective de la libéralisation du secteur des services.
La Place de Tunis offrait une physionomie trop atomistique. Beaucoup d’enseignes qui réunissaient certes un potentiel mais toujours en mal d’air une dynamique de croissance, significative. Or, les conditions objectives ne le permettaient pas. Plombées par le contrepoids de leur taille modeste, beaucoup se contentaient d’agioter. L’essentiel du “produit“ provient de la marge d’intérêts, donc du crédit.
Les commissions sur les opérations d’ingénierie ou de métiers de marché restent encore peu consistantes. Les banques n’arrivent pas à trouver des points d’ancrage sur un marché dominé par le segment des clients “particuliers“, pour un développement conséquent et rapide. On peut espérer que le lancement de la fusion de la Société tunisienne de banque (STB) et de la Banque de l’Habitat (BH) établira la preuve de l’opportunité du développement par la croissance externe via les «fusion absorption».
Et pourquoi pas demain, des épisodes d’OPA sur la Bourse de Tunis. Même si cette hypothèse apparaît, comme lointaine, elle n’en est pas moins plausible. La voie au regroupement connaît donc un épisode significatif et la course à la taille est certainement l’antidote adéquat à l’hégémonie des banques internationales.
Les compatibilités
Est-ce que les deux entités peuvent s’emboîter ? C’est la première interrogation qui vient à l’esprit, dans le cas d’une fusion. La BH, 4ème banque de la Place a, cependant, tout d’une championne. Il est vrai qu’elle a la réussite discrète mais il faut savoir que c’est une banque bien “galonnée“. En 2008, elle a été couronnée meilleure banque du Continent pour le financement de l’habitat. Cela s’est passé en marge de la réunion annuelle du FMI, par le prestigieux Jury d’African Bankers.
Last but not least, elle est l’élue des agences de notation. Standard & Poors lui a octroyé le meilleur rating des banques du Maghreb. Elle est donc doublement auréolée.
Première de la classe pour le Continent et meilleur risque régional, elle possède une expertise professionnelle bien établie et recherchée par beaucoup de pays africains. Sa notoriété parle pour elle, et il faut savoir que deux partenariats ont été mis sur pied en Afrique avec sa participation active.
C’est donc une «concept banque» au mieux de sa performance, ce qui est, du reste, conforme à son slogan de «Bâtisseur de l’avenir».
En face, la STB a pour elle une connaissance profonde du tissu économique, qu’elle a grandement aidé à naître à se développer et à se diversifier. Chacune de ces fonctions en soi est un challenge de taille et la STB s’est honorablement acquittée des trois ensembles. De ce fait, elle a accumulé une expérience solidement établie dans les métiers de l’intermédiation ainsi que sur les métiers de marché. C’est une banque qui a fait école, et l’activité bancaire a cultivé un acquis respectable et reconnu.
Elle a pris sous son aile deux banques qui ont eu une part considérable dans le développement du pays. La BNDT, mère nourricière du secteur touristique. Ce dernier secteur représente 7% du PIB et génère des recettes en devises qui le placent au troisième rang des secteurs exportateurs du pays ! Et il y a eu la BDET, une banque de développement pionnière en Tunisie et sur le continent. Elle a financé les têtes de pont de nombreuses filières industrielles dans notre pays ainsi que des projets structurants pour notre économie.
A priori tout porte à croire que cette fusion se profile comme une opération d’intégration professionnelle, et la nouvelle banque alignera donc une offre globale, ce qui est un atout commercial, déterminant.
Les synergies
Forte d’un capital métier de bonne portée concurrentielle et disposant de la masse critique, la future banque à naître est devant l’obligation d’engranger de réels effets d’échelle. La consolidation des deux réseaux donne un total de 200 points de vente pour le moment, ce qui est peu en considération de la taille du nouvel édifice à naître. En effet, les gains de productivité doivent profiter à la clientèle et donc déboucher sur une politique de tarification avantageuse qui autorise une rapide et importante expansion de la force de vente.
Outre cela, sur leur périphérie, les deux banques possèdent des filiales dont on peut aisément imaginer les perspectives d’alliance, ce qui confèrerait à l’ensemble une configuration cohérente et performante. Ainsi en est-il du métier de l’assurance avec SALIM (BH), de l’intermédiation financière avec SOFIGES (STB) et SIFIB (BH) ; pareil pour le leasing avec Modern Leasing (BH) de même que la banque d’affaires avec la BAT qui est dans le giron de la STB.
Tout ceci nous amène à dire que les conditions d’un saut de palier pour le futur groupe sont réunies. Si on réfère au classement des 70 banques maghrébines réalisé par la revue «African Bankers» dans sa livraison de juillet (N°3) pour ce qui est du critère du total de bilan, la STB qui arrive en 15ème position avec un total d’actifs de 4,5 milliards de dollars US et la BH avec 3,5 milliards de dollars, les deux banques tunisiennes n’arriveraient, ensemble, qu’en 14ème position, se classant derrière la BMCI (Maroc) qui a 8,3 milliards de dollars US, sachant que le premier rang revient à Attijariwafa Bank qui aligne 37 milliards de dollars US.
Il y a donc un impératif de conquête d’un nouveau palier de développement commercial car les deux banques n’occupent que le milieu du tableau pour ce qui est du critère du PNB et du résultat net (45ème place).
Le pari sur l’avenir
Quelles pourraient être les conditions pour un tel objectif ambitieux ? On a bien vu que l’élargissement de la base commerciale par l’extension du réseau, les gains de productivité peuvent doper l’ensemble. Cela est nécessaire, mais dans la mesure où il faut aller vers des objectifs de rentabilité ambitieux, s’alignant sur les performances des banques internationales, il faut aussi poursuivre l’élan de développement par la croissance externe et regarder au-delà des frontières.
Demain, la nouvelle banque est parfaitement habilitée à se délocaliser, et elle a l’expertise et le standing pour le faire, soit sous sa propre enseigne soit en se lançant dans des opérations d’absorption et fusion au moins au plan africain.
La taille, mais encore la rentabilité sont nécessaires demain pour faire face aux banques internationales qui viendront s’installer sur la Place de Tunis. Mais pour faire jeu égal avec la concurrence, il est aussi nécessaire d’être présent sur ses marchés à elle. Et c’est sous cet angle, in fine, qu’on jugera la finalité de l’opération.