Paradis fiscaux : un forum mondial va désigner les mauvais élèves

photo_1285829744178-1-1.jpg
énérale datée du 23 juin 2000 du Palais princier (c) sur le rocher de Monaco et de son port de plaisance (g). (Photo : Pascal Guyot)

[30/09/2010 06:56:14] PARIS (AFP) Un forum chargé de désigner les mauvais élèves de la lutte contre l’évasion fiscale et le secret bancaire doit publier jeudi ses premières évaluations, sur des pays comme Monaco ou les îles Caïmans, au moment où la pression contre les paradis fiscaux née du G20 semble retomber.

Le “Forum mondial pour la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales”, qui regroupe 94 pays, se réunit mercredi et jeudi à Singapour pour examiner les premiers rapports, concernant huit Etats membres, réalisés dans le cadre de “l’évaluation par leurs pairs” lancée en mars.

Sous la houlette de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cette opération doit “faire en sorte que toute la pression née en 2009 ne retombe pas”, résume le chef du secrétariat du forum, Pascal Saint-Amans.

Dans le sillage de la crise financière, le G20 avait érigé au rang de priorité, en avril 2009, la lutte contre la fraude fiscale. L’OCDE avait alors publié des listes de 42 paradis fiscaux, dont des places financières importantes comme Monaco, Luxembourg, la Suisse ou Singapour.

Mais le critère pour être blanchi était facile à atteindre: il suffisait de signer 12 accords bilatéraux de coopération fiscale, ce que la plupart de pays stigmatisés se sont empressés de faire.

Du coup, la liste de l’OCDE s’est vidée de sa substance: dernier pays en date, les Philippines en ont été retirées mardi. La liste ne contient plus que 11 Etats, dont quelques îlots du Pacifique et une poignée de pays d’Amérique centrale.

“Cette liste n’est plus crédible”, affirme Marina Yung, de l’association Transparence international.

Pour le Français François d’Aubert, président du groupe d’évaluation par les pairs, ce système a eu “le mérite non négligeable de faire évoluer les pays montrés du doigt”. “Maintenant, nous lui substituons un système beaucoup plus rigoureux”, ajoute-t-il.

Par exemple, un paradis fiscal blanchi grâce à des accords signés avec d’autres paradis fiscaux ne pourra plus être considéré comme un bon élève. Et pour réussir l’examen de passage, les pays devront être en mesure de dire qui se cache vraiment derrière un “trust”, structure juridique au coeur de l’opacité du système financier international.

D’ici à la fin de l’année, une quarantaine d’évaluations auront été lancées — le but étant de passer au crible tous les membres du forum en deux ans.

Dans une première phase, les pays membres évaluent la législation en vigueur chez leurs pairs afin “d’identifier les bons et les mauvais élèves”, explique M. Saint-Amans.

Les premiers passés en revue sont Monaco, Panama, les îles Caïmans et les Bermudes — soit des paradis fiscaux selon le classement du réseau d’ONG Tax Justice Network –, mais aussi le Bostwana, la Jamaïque, le Qatar et l’Inde.

Selon M. d’Aubert, pour l’instant deux d’entre eux n’ont pas réussi ce premier examen. Il est fort à parier que Panama, qui figure toujours sur la liste de l’OCDE, en fasse partie.

“Le problème, c’est qu’il n’est pas certain que tous les rapports soient adoptés et publiés, puisque c’est la règle du consensus qui règne”, prévient Marina Yung. “Cette réunion est un premier test, on verra si le Forum mondial est en mesure de maintenir la pression sur les pays.”

Reste à savoir ce qu’il adviendra ensuite. Les “mauvais élèves” ainsi désignés formeront-ils une nouvelle liste noire des paradis fiscaux?

“Le G20 en tirera les conséquences qu’il souhaite”, dit M. Saint-Amans. “L’essentiel, c’est qu’on aura une analyse neutre, objective, internationalement incontestable des progrès réalisés et de tous les progrès qui restent à faire.”