ômage devant une agence pour l’emploi à Chatham, en Grande-Bretagne, le 19 mars 2009 (Photo : Adrian Dennis) |
[30/09/2010 22:26:08] GENEVE (AFP) Les programmes d’austérité mis en place ces derniers mois par les pays ont accéléré en 2010 un chômage mondial déjà rampant, qui ne devrait retrouver son niveau d’avant crise qu’en 2015, faisant planer une menace de crise sociale, prévient un rapport du BIT publié jeudi.
Dans son Rapport annuel sur le travail dans le monde, le Bureau international du travail confirme ses prévisions de chômage pour l’année à environ 213 millions de chômeurs, soit un taux de 6,5% contre 6,6% en 2009.
Il estime en revanche que la reprise de l’emploi sera plus lente que prévu jusqu’à présent, malgré des signes encourageants dans les économies émergentes d’Asie et d’Amérique latine.
Ce ralentissement est dû à “une détérioration sur le front du chômage ces derniers mois en raison du changement des politiques étatiques qui ont abandonné les plans de relance pour des programmes d’austérité”, a expliqué à l’AFP l’auteur principal du rapport, Raymond Torrès.
“C’est un changement fondamental qui n’était pas prévu”, a-t-il ajouté.
Avec ces “nouveaux nuages sur le rythme des réformes, la reprise de l’emploi qui était attendue en 2013 devrait plutôt arriver en 2015”, souligne M. Torrès dont l’étude précise qu’il manque encore 8 millions d’emplois pour retrouver les niveaux de 2007, avant la crise.
Cette nouvelle prévision s’appuie notamment sur deux indicateurs particulièrement préoccupants selon le BIT: l’augmentation du chômage longue durée et le taux de sans-emploi parmi les jeunes.
“Dans 35 pays où les statistiques sont disponibles, près de 40% des demandeurs d’emploi sont sans travail depuis plus d’un an”, soit près de 10% de plus qu’en 2009, relève ainsi le rapport.
“Ces personnes courent un risque important de démoralisation, de problèmes psychologiques… certains ont même décidé de quitter le marché de l’emploi”, relève M. Torrès. En 2009, plus de 4 millions de ces chômeurs ont ainsi renoncé à chercher un emploi.
Même dans des pays comme l’Allemagne, où la reprise économique a permis un recul sans précédent du nombre de sans-emploi en septembre (7,2%, contre 7,6% en août), il reste un “noyau dur” de chômeurs longue durée (45% du nombre total au premier trimestre), ajoute-t-il.
Ce chômage-là est “un indicateur d’une longue récession sur le marché du travail” dans la mesure où il est le plus difficile à résorber, prévient l’expert du BIT.
La montée du chômage des jeunes (en augmentation de 7,8 millions de personnes depuis 2007) constitue également un facteur de risque d’explosion sociale avec l’émergence d’une “génération perdue” plus “réactive”.
Le retour en arrière de mesures sociales, déjà visibles dans certains programmes d’austérité, pourrait avoir un effet boomerang, avec une crise sociale gravissime, estime le BIT.
“Les tensions sont déjà présentes”, considère M. Torrès, citant des cas de troubles sociaux dans au moins 25 pays.
Le fait que les inégalités sociales se soient aggravées en 2009 s’ajoute à ces éléments, poursuit M. Torrès, selon lequel la reprise des bonus a également alimenté cette “bombe à retardement”.
Pour le BIT, les gouvernements ont les moyens de l’éviter en procédant au “rééquilibrage” des modalités de croissance.
“Dans le rapport, on a pu montrer que grâce à une approche équilibrée mais pas forcément chère, on arrive à, en même temps soutenir une croissance économique riche en emploi, et à faire face à des déficits trop élevés qu’il faut réduire”, assure-t-il, donnant en exemple les programmes engagés par l’Argentine, le Canada, le Brésil.
“Dans les pays qui ont réussi à amortir l’impact de la crise économique sur le chômage, on constate des indicateurs sociaux meilleurs, c’est totalement nouveau” et encourageant, conclut M. Torrès.