La page d’accueil du site Twitter (Photo : Nicholas Kamm) |
[02/10/2010 09:45:32] MEXICO (AFP) Chaque matin, des milliers de Mexicains consultent Twitter, Facebook et d’autres réseaux sociaux sur l’internet pour vérifier s’ils ne risquent pas de tomber dans une fusillade sur le chemin du bureau.
Cette forme d’information, rendue possible par les nouvelles technologies, s’est rapidement développée, en particulier dans le nord du pays, à la frontière des Etats-Unis, là où se concentre la “guerre des cartels” pour le contrôle du trafic de drogue.
Son intérêt n’a pas échappé aux trafiquants eux-mêmes, qui s’en servent pour manipuler l’opinion, la menacer, ou avertir leurs complices d’opérations de l’armée ou de la police.
Au Mexique, les règlements de comptes entre cartels et leurs affrontements avec les forces de l’ordre ont fait 28.000 morts ces quatre dernières années, depuis le début de l’administration du président Felipe Calderon.
Les journalistes sont des victimes collatérales: 10 d’entre eux au moins ont été assassinés cette année, et autant enlevés ou disparus.
Dans ce pays où les cartels imposent de plus en plus “le silence ou la mort” aux médias, selon une formule du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), les tout nouveaux modes d’expression racontent ce que la presse évite parfois d’écrire.
“Des piétons dans le centre-ville signalent des rafales et une poursuite. Personne d’autre?”, demande ainsi un utilisateur de BalaceraGDL (“fusillade”), un portail d’information sur les rues de Guadalajara, la deuxième ville du pays avec 4,5 millions d’habitants.
Certains de ces services ont été créés par les autorités locales, parallèlement aux grands réseaux. C’est le cas dans l’Etat de Tamaulipas, à l’extrême nord-est du pays, une région ensanglantée par la guerre locale entre le vieux cartel “du Golfe” et les “Zetas”, ses anciens hommes de main devenus ses rivaux.
A Reynosa, par exemple, ville de 500.000 habitants située en face de McAllen (Texas), “le but est d’établir des mécanismes de communication pour en finir avec les rumeurs émanant justement de réseaux dits sociaux, et informer vraiment sur ce qui se passe, en temps réel”, explique à l’AFP le directeur de cabinet de la mairie, Juan Triana.
“Avant de conduire mon fils au collège, je consulte mon BB (Blackberry) pour vérifier ce qui se passe dans les rues, pour éviter une mauvaise surprise”, confirme Rosario Leon, vendeuse dans un magasin de la ville.
“Patrouille militaire dans San Fernando, avec embouteillages imprévus (…) Bonne journée à tous”, annonce un message signé “conductorerrant” dans la petite ville où 72 émigrants clandestins ont été massacrés fin août. Un survivant a accusé les “Zetas”.
“Quelqu’un d’autre est au courant aujourd’hui des quatre pendus au pont?”, demande “infotampico”, un peu plus au sud, dans le port de Tampico, sur le Golfe du Mexique.
Ou encore à Mexico même: “opération policière sur le périphérique, évitez le secteur”…
“Il arrive que des nouvelles de premier ordre apparaissent d’abord dans les réseaux sociaux”, confirme Leobardo Hernandez, chercheur à l’Université nationale autonome du Mexique (Unam), qui prépare un ouvrage consacré au terrorisme sur internet.
Il cite l’enlèvement en juin d’un ancien candidat présidentiel, Diego Fernandez de Cevallos, non encore résolu: “on en a appris davantage sur les réseaux que dans les médias”. C’est sur Twitter que les ravisseurs ont publié des photos de leur prisonnier.