Il est 10 heures du matin. En entrant dans le bureau national de l’emploi des
cadres et du travail indépendant (BNEC) de Tunis, il est difficile de trouver
son chemin vers le desk du directeur du bureau. Le lieu est plein à craquer.
Devant les offres d’emploi affichées sur les murs d’en face, une masse s’est
construite. Les yeux figés et avec un stylo et une feuille, les «clients» de la BNEC s’empressent de transcrire les offres qui les intéressent, espérant que
cette fois-ci sera la bonne.
Pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, c’est (presque) le passage
obligé pour accéder au marché de l’emploi. Fraîchement diplômés, c’est la
première porte à laquelle ils frappent pour prendre connaissance des réalités de
ce marché et des opportunités qui se présentent à eux. Les bureaux nationaux
d’emploi des cadres et du travail indépendant, qu’on appelle communément
BNEC,
n’ont pas la tâche facile. Chaque année, on compte 88.000 demandes
supplémentaires, dont 65% émanent de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’une
problématique qui revêt un aspect économique de plus en plus important.
Un travail forcé…
L’intégration des jeunes diplômés est devenue un véritable travail forcé pour
les autorités concernées, multipliant les tentatives pour remettre de la couleur
dans le marché de l’emploi. Le BNEC est considéré comme l’instrument central de
ces initiatives. On compte actuellement neuf bureaux nationaux d’emploi des
cadres et du travail indépendant, répartis à travers toute la République. Ils
sont considérés comme la nouvelle génération des bureaux d’emploi –au nombre de
92–, répondant aux spécificités de leur cible, à savoir les jeunes diplômés de
l’enseignement supérieur.
Ils sont placés sous la tutelle du ministère de la Formation professionnelle et
de l’Emploi et plus exactement de l’Agence nationale pour l’amploi et le travail
indépendant (ANETI).
Pour les huit premiers mois 2010 -et jusqu’au 16 septembre 2010-, les BNEC ont
procuré plus de 51 mille postes de stages (salariés et indépendants) pour
l’insertion et l’intégration des diplômés du supérieur à travers tout le
territoire, selon une source au ministère de l’Emploi.
Le BNEC de Tunis est considéré parmi les bureaux les plus actifs. Selon son
directeur Mokhtar Farhat, le bureau reçoit un flux quotidien moyen de 1.100
pointages par jour dont environ 100 nouvelles inscriptions. Par mois, la moyenne
de ce flux s’élève à 33.000 inscriptions à gérer. Un volume qui dénote
l’importance de l’enjeu auquel font face ces bureaux spécialisés. Un autre
chiffre : jusqu’au 22 septembre 2010, on a compté 8.259 primo demandeurs
inscrits.
Conseil et accompagnement…
Le bureau compte 32 conseillers à la disposition des jeunes diplômés et des
entreprises, avec un taux d’encadrement de 87%. «En plus du conseil et de
l’accompagnement au sein du BNEC, nous avons ce que nous appelons les
conseillers prospecteurs qui suivent l’encadrement des stagiaires. Ils ont un
planning de travail bien précis pour les visites au sein des entreprises»,
souligne M. Farhat. Et pour les neuf premiers mois 2010, ils ont effectué 1.323
visites. A cette même période, 4.633 contrats SIVP ont été signés et 545
contrats CIPES.
Du côté des entreprises, il précise que chacune dispose d’un conseiller
–interlocuteur unique- auquel elles s’adressent en cas de besoin. Un service
électronique à distance a été mis en place récemment à la disposition des
entreprises pour faciliter le dépôt des offres d’emploi et leur traitement
automatique. De même, un service de «smsing» a été lancé, depuis plus de trois
mois déjà. Ce service vise, selon M. Farhat, à maintenir une relation directe
avec les demandeurs d’emploi. Ils sont, ainsi, informés de toutes les activités
du bureau, surtout au niveau des manifestations organisées telles que les
journées d’information ou aussi l’évolution de leurs contrats.
D’ailleurs, en vue d’assurer l’intermédiation entre l’entreprise et les
demandeurs d’emploi, des conventions ont été signées entre l’ANETI et plusieurs
grandes entreprises étrangères, comme Orange et Kromberg & Schubert. Celles-ci
s’engageront à recruter parmi les chômeurs de longue durée et leur garantir une
formation qui s’adapte à leurs besoins. A en croire le directeur du BNEC de
Tunis, les entreprises étrangères sollicitent constamment le bureau pour le
recrutement de leur personnel. Il affirme que Clairis Technologies, filiale du
groupe Sogeclair, s’est adressé récemment au BNEC pour le recrutement
d’ingénieurs spécialisés dans le calcul aéronautique pour son site en Tunisie,
créé en 2009.
C’est le cas également de certains centres d’appels qui sont constamment en
contact avec les conseillers du bureau pour de nouveaux recrutements. Les
responsables du BNEC ne manquent pas l’occasion pour souligner l’évolution que
connaît le secteur des centres d’appels, soit des besoins de plus en plus
croissants. «Téléperformance a débuté avec seulement 80 personnes. Il est
actuellement à 5.000. De même pour Stream dont l’effectif est passé de 50 à 80
employés».
Recherche active de l’emploi…
Mais loin de tous ces chiffres, il est clair que la problématique du chômage des
diplômés est loin d’être résolue. Comme tout marché qui fonctionne selon la
logique de l’offre et de la demande, celui de l’emploi se trouve déséquilibré,
avec des profils hyper diplômés et des besoins assez spécifiques des
entreprises. «C’est le besoin qui détermine l’acte de recrutement. Actuellement,
ce sont les profils techniques (ingénieurs, informaticiens, etc.) qui ont une
durée d’attente proche de zéro. D’autres profils trouvent plus de difficultés à
s’insérer», explique M. Farhat qui insiste sur la recherche active de l’emploi
de la part des jeunes diplômés.
Il différencie entre deux catégories de diplômés. «Il y a, premièrement, ceux
qui présentent un CV très riche et qui sont déjà préparés pour le marché de
l’emploi. Et il y a ceux qui attendent la remise du diplôme pour s’y lancer.
Mais il faut comprendre que la qualification ne suffit plus. L’habilité est
devenue un critère de sélection. Partout dans le monde, le marché du travail est
devenu codé. Celui qui a le CV le plus riche et qui est le plus efficace est
admis. Savoir communiquer, maîtriser l’outil informatique et les langues
étrangères font désormais la différence entre les demandeurs d’emploi»,
lance-t-il.
Mais si la métamorphose que connaît le marché de l’emploi est aussi rapide, il
faudrait qu’elle soit répercutée sur le système de formation, au niveau de
l’enseignement supérieur. Il faudrait miser sur la construction de profils
polyvalents qui ne seraient pas perdus en pleine route, faute de besoins
correspondants. Les entreprises sollicitent de plus en plus des personnes à
qualifications multiples capables de se confronter à plusieurs situations. Les
chômeurs de longue durée en savent quelque chose. Après quelques années au
chômage, plusieurs d’entre eux ont changé complètement de chemin, choisissant de
suivre des formations qui faciliteraient leur intégration au marché du travail.
D’autres ont accepté de travailler dans des postes qui ne correspondent pas à
leurs qualifications. Et certains, ayant l’esprit plus ingénieux, ont tout
simplement créé leurs propres entreprises. Pour le reste…