Habitué aux plaintes venant de chacun des deux opérateurs en service en 2009
–c’est-à-dire avant l’arrivée d’Orange-, le Conseil de la Concurrence a, pour la
première fois, épinglé Tunisie Télécom et Tunisiana. Malgré l’opposition du
représentant du gouvernement.
Depuis quelques années, les accrochages judiciaires entre Tunisie Télécom et
Tunisiana sont devenus monnaie courante et meublent chaque année une bonne
partie du rapport annuel du Conseil de la Concurrence (CC). En 2009, cette
instance a eu à connaître de 8 affaires soumises par l’un ou l’autre opérateur.
Sauf une dont l’initiateur est le Conseil lui-même, en application d’une
disposition de la loi sur la concurrence et les prix lui donnant, depuis 2005,
le pouvoir d’auto-saisine.
Durant l’année écoulée, l’«arbitre» de la concurrence a exercé cette prérogative
à trois reprises –dont une à l’encontre de Tunisie Télécom et de Tunisiana.
Toutefois, le Conseil a refusé de suivre les recommandations de sa deuxième
chambre judiciaire dans quatre autre cas.
Le processus d’auto-saisine est enclenché lorsque cette instance est informée de
comportements entravant la concurrence, notamment par le biais de «documents
sérieux» qui en apportent la preuve. Le cas échéant, le président du Conseil
désigne un ou plusieurs rapporteurs chargés d’élaborer un rapport qui est
transmis au représentant du gouvernement pour remarques. A la lumière desquelles
une des instances judiciaires du CC décide s’il y a lieu de lancer la procédure
d’auto-saisine.
Qu’elle le soit au sujet d’un litige opposant les deux opérateurs télécoms et
les sociétés de services à valeur ajoutée via SMS –dans lequel le CC a
finalement condamné les deux opérateurs à une amende de 500.000 dinars chacun- a
un tant soit peu surpris. Notamment parce que tous les acteurs de cette affaire
–Tunisie Télécom,
Tunisiana, l’Instance Nationale des Télécommunications (INT)
et le gouvernement- ne partagent pas le point de vue du Conseil à ce sujet.
Le principal argument opposé au Conseil de la concurrence dans ce dossier est
que tout ce qui touche aux télécommunications est du ressort de l’INT. Il a été
mis en avant en particulier par le représentant légal de Tunisie Télécom qui a
demandé en conséquence au CC de renoncer à exercer son droit d’auto-saisine dans
cette affaire.
La défense de Tunisiana a quant à elle mis en exergue le fait que «l’INT en tant
qu’organisme responsable de la bonne marche du secteur des télécoms considère
que les questions soulevées dans le rapport de fin d’enquête ne lui posent pas
de problèmes» pour deux raisons : d’abord elle est «au courant de tous les
détails de l’affaire» ; ensuite, elle se satisfait «des résultats atteints après
la mise en œuvre des décisions et recommandations de Monsieur le président de la
République en vue de développer davantage le secteur et d’encourager ses
différents intervenants».
Surtout, d’après la même source, «l’INT considère que la relation contractuelle
entre les opérateurs et les fournisseurs de services est conforme aux textes
juridiques et réglementaires organisant les services de communication utilisant
les SMS et ne constituent pas, de ce fait, une atteinte ou une entrave aux
règles de la concurrence loyale».
Le représentant du gouvernement s’est lui aussi démarqué de la position du
Conseil dans cette affaire. Sur la forme, il a recommandé un supplément
d’enquête «pour s’assurer» du fait que les accusations sont fondées. Sur le
fond, il dit qu’il n’en est pas convaincu en affirmant qu’il ne considère pas
comme draconiennes les conditions contractuelles (durée du contrat, partage des
recettes, etc.) faites par Tunisie Télécom et Tunisiana aux sociétés de services
à valeur ajoutée.
(A suivre)