Robert Bruce Zoellick, président du groupe de la Banque mondiale, Shanshad Akhtar, vice-présidente de la Banque mondiale, chargée de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), et Youssef Abdellatif Al Hamad, directeur général et président du Conseil d’administration du Fonds arabe de développement économique et social (FADES), voilà l’impressionnant gotha économique et financier que le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, a réussi à réunir autour d’une table ronde à Washington pour débattre des spécificités du modèle de développement tunisien et l’approche adoptée pour relever les défis socio-économiques futurs, le 6 octobre 2010, indique la TAP.
Pour planter le décor, le Premier ministre a mis en exergue le changement qualitatif dans les relations de la Tunisie avec la Banque mondiale au cours des trois dernières années. “Les revues des politiques de développement et les rapports thématiques sont désormais élaborés de façon concertée, et sont donc plus opérationnels, plus pertinents. Les prêts revêtent de plus en plus des aspects novateurs. Et le dialogue avec les experts de la Banque n’a cessé de se développer dans le cadre d’un esprit de partenariat confiant et constructif”, dira-t-il.
Ensuite, M. Ghannouchi a rappelé que la Tunisie a engagé de profonds changements structurels… et de ce fait, d’importants programmes d’investissements sont en cours dans tous les gouvernorats du pays visant à développer l’infrastructure de base et les équipements collectifs, au rang desquels l’enseignement et la formation.
Abordant la crise financière et économique internationale, le Premier ministre a souligne que «les politiques de réformes et de restructuration, menées par le passé, ont permis à la Tunisie de disposer d’une situation financière saine et donc d’une marge de manœuvre confortable… et faire face à cette situation, tout en maintenant le cap des réformes».
C’est dans ce cadre que des mesures conjoncturelles de soutien aux entreprises ont été mises en œuvre et une accélération de l’investissement public a été engagée pour soutenir la demande intérieure.
Le programme d’appui à l’intégration de l’économie tunisienne à l’économie mondiale, élaboré et mis en œuvre avec l’appui de la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’Union européenne, a constitué un autre volet des discussions au cours de la table ronde. M. Ghannouchi dira en substance que grâce à une démarche ayant combiné le conjoncturel et le structurel, la Tunisie a pu préserver la dynamique de développement.
Résultat : l’économique tunisienne a enregistré en 2009 un taux de croissance de 3,1%. Et le pays a même pu éviter une forte aggravation du chômage (13,3%), continuer à réduire sa dette publique à 42,9% du PIB en 2009 et sa dette extérieure à 38,1%, tout en améliorant l’assise financière des banques, a précisé le Premier ministre.
Ensuite, le Premier ministre aborde les défis que la Tunisie doit relever. D’abord le chômage, notamment celui des diplômés de l’enseignement supérieur. «… Plus de 60% des nouveaux venus sur le marché du travail sont, aujourd’hui, des diplômés de l’université, alors que 60% des offres d’emplois sont destinés à la main-d’œuvre non universitaire. D’où la nécessité d’une accélération de la croissance, avec une profonde transformation du tissu économique, pour qu’il recouvre davantage d’activités à forte valeur ajoutée, à fort contenu de savoir, à même d’accroître l’offre d’emploi pour la main-d’œuvre qualifiée».
Le second défi concerne l’accentuation de l’intégration de l’économie tunisienne à l’économie mondiale. «D’où l’importance de l’amplification des efforts déployés pour l’amélioration de la compétitivité, l’accès à de nouveaux marchés et l’attraction de l’investissement étranger», a souligné M. Ghannouchi.
Amplifier les efforts déployés en matière de gestion des ressources naturelles, en accordant la priorité à l’adoption des nouvelles technologies faiblement consommatrices de ressources naturelles, c’est le 3ème défi. A ce titre, le Premier ministre a affirmé que «ces trois défis constituent la trame de fond du programme électoral du président de la République et le socle du XIIe plan (2010-2014) qui vient d’être adopté».
Comment relever ces défis ?
M. Ghannouchi en esquisse les grandes lignes. «La Tunisie doit accélérer la restructuration de son économie pour passer d’un modèle de croissance tirée par la compétitivité et l’utilisation massive d’une main-d’œuvre faiblement qualifiée à un modèle de croissance basé sur l’innovation et le recours intensif à une main-d’œuvre qualifiée». Processus déjà mis en œuvre à travers, notamment, le renforcement de la capacité de formation dans les universités et les centres de formation spécialisée, l’engagement d’un vaste programme de pôles technologiques, l’installation en Tunisie de groupes innovants et la mise en place de la politique de soutien du gouvernement à la recherche scientifique et à la technologie.
«Cette transition, nous sommes déterminés à accélérer sa mise en œuvre, à l’effet d’impulser la montée en gamme de secteurs traditionnels et l’émergence de nouveaux secteurs à haute valeur ajoutée», a déclaré le Premier ministre, convaincu qu’il est que «ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons faire de la disponibilité de cadres de haut niveau un atout supplémentaire, en faire un levier additionnel de l’amélioration de la compétitivité, l’accélération de la croissance, la résorption du chômage à moyen terme et la préservation de l’environnement».
Alors, pour y parvenir, la stratégie tunisienne s’articule autour de quatre axes majeurs.
Le premier axe concerne les ressources humaines : La réforme engagée avec l’appui de la BM vise à mieux investir dans le capital humain, en mettant l’accent sur la qualité, la maîtrise des langues étrangères et la certification des compétences…
Le deuxième axe de la stratégie nationale concerne l’infrastructure requise pour faire de la Tunisie une plateforme technologique ; c’est a cette fin que le pays a déjà engagé la réalisation d’un réseau de technopoles pour favoriser la synergie entre enseignement, recherche et production…
Les mécanismes d’appui, d’encadrement et d’incitations pour valoriser les produits de recherche, faciliter l’acquisition de technologies et favoriser leur adaptation, c’est le 3ème axe. Des études sectorielles sont engagées pour arrêter des stratégies pertinentes dans les créneaux porteurs, dont en particulier l’offshoring et la santé, a relevé le PM…
Quant au 4ème axe de la stratégie tunisienne, il a trait à l’approfondissement des programmes de réformes visant à rendre l’administration plus efficace, le secteur financier plus solide et plus efficient, l’accès au financement plus facile, les procédures du commerce extérieur plus simples, mais aussi pour que les lois et les règlements, se rapportant aux différents domaines, convergent avec ceux des pays développés et confortent le choix de l’ouverture.
Par ailleurs, le PM a évoqué les objectifs ambitieux inscrits dans le XIIe Plan de développement (2010-2014), notamment l’accélération de la croissance des activités à forte valeur ajoutée, le renforcement des exportations à forte intensité en compétence et en technologie, l’accroissement de l’offre d’emploi pour les diplômés des universités et l’amélioration de la productivité globale des facteurs de production pour qu’elle contribue à 50% en moyenne de la croissance pour la période du plan.
Pour conclure, le PM dira que «la Tunisie est déterminée à accélérer le rythme de la mise en œuvre de tous les axes de la stratégie de développement intégral engagée pour atteindre les objectifs escomptés, tout en veillant à préserver les grands équilibres économiques, financiers et sociaux.
Enfin, et toujours selon la TAP, les participants à la table rondeont loué l’approche de développement tunisienne, mettant en exergue sa cohérence et sa complémentarité, ainsi que les efforts accomplis sur la voie des réformes et du développement. Cette démarche a permis à la Tunisie, ont-ils souligné, de consolider les attributs de développement économique et social ainsi que la plateforme adéquate pour répondre aux changements et relever les défis.