étaire d’Etat aux Transports Dominique Bussereau Le 10 novembre 2009 à l’Assemblée nationale (Photo : Fred Dufour) |
[08/10/2010 14:28:11] PARIS (AFP) La France prête à nouveau le flanc à l’accusation de protectionnisme, après la virulente sortie du gouvernement contre la commande par Eurostar de dix trains à grande vitesse à l’allemand Siemens au détriment du français Alstom, sur fond de guerre du rail franco-allemande.
La compagnie transmanche Eurostar, dont la SNCF possède 55% du capital, avait à peine annoncé ce contrat de 600 millions d’euros jeudi que le ministre français de l’Ecologie Jean-Louis Borloo et son secrétaire d’Etat aux Transports Dominique Bussereau ont fait part de leur “stupéfaction”.
“Eurostar doit mettre en conformité son appel d?offres avec les règles de sécurité actuelles” dans le tunnel sous la Manche, ont-ils exigé.
“Je rappelle qu’Eurostar appartient à la SNCF qui est majoritaire (…) et que je suis le ministre de tutelle du président de la SNCF. C’est Eurostar qui ne respecte pas” les règles, a même tonné M. Bussereau sur BFM.
Or, lesdites règles sont en cours de modification. Le directeur général d’Eurostar, Nicolas Petrovic, a répondu que la commission intergouvernementale (CIG) franco-britannique chargée de la sécurité dans le tunnel sous la Manche a défini en mars ce qu’elles devraient être, au terme d’une vaste consultation.
é de Siemens travaille sur un ICE de la Deutsche Bahn à Krefeld le 28 avril 2010 (Photo : Volker Hartmann) |
“Nous avons basé notre appel d’offres sur les recommandations faites à l’issue de cette consultation. (…) On en a parlé”, a-t-il assuré, rappelant que les trains commandés à Siemens ne doivent être livrés qu’en 2014.
Le problème porte surtout sur la motorisation répartie le long des rames de Siemens, ce qui permet de gagner de la place –mais augmente aussi les risques d’incendie, selon ses détracteurs.
“Malgré quelques opinions divergentes, la consultation semble généralement aller dans le sens de l’acceptation des trains dont la motorisation est répartie”, indiquait à ce propos la CIG en mars.
Alstom –qui a jusqu’à présent fourni tous les TGV du groupe SNCF– avait aussi proposé un modèle à motorisation répartie. Mais uniquement après avoir “bien alerté” Eurostar sur les problèmes de sécurité, a expliqué une porte-parole à l’AFP.
Côté britannique, le ministre des Transports Philip Hammond, s’est dit jeudi “confiant que les trains choisis par Eurostar seront homologués à temps”, tandis que Richard Clifton, représentant le Royaume-Uni à la CIG, a indiqué qu'”en principe, il n’y a rien dans ce train qui pose problème pour sa certification”.
“Les Français essaient d’empêcher l’affaire de se faire avec une dernière tracasserie”, écrit vendredi le quotidien allemand Die Welt. Ni Siemens, ni le gouvernement allemand n’ont souhaité réagir.
étaire britannique aux Transports, Philip Hammond (G) et le PDG d’Eurostar devant un train Eurostar après une conférence de presse commune à Londres, le 7 octobre 2010 (Photo : Ben Stansall) |
Dans le secteur, on parle volontiers de protectionnisme, mais hors micro.
“Jean-Louis Borloo veut devenir Premier ministre. Il fait tout pour plaire au président Nicolas Sarkozy, et en rajoute sur le patriotisme industriel”, estime un professionnel, tandis qu’un autre se demande “à quoi ça sert que la SNCF ou ses filiales passent des appels d’offres si Alstom doit gagner à la fin”.
“Il y aura sans doute une forme de négociation politique plus en amont,” juge Gaël de Bray, analyste à la Société Générale, qui estime qu'”Eurostar a fait son travail” et se dit “intimement persuadé que le prix proposé par Siemens était plus intéressant”.
Cette polémique survient alors que Français et Allemands ne cessent de s’opposer à propos des chemins de fer, ne partageant pas la même vision de l’ouverture du marché.
La Deutsche Bahn doit d’ailleurs faire rouler un train dans le tunnel sous la Manche, pour le présenter à Londres le 19 octobre. C’est un Siemens, qui vient d’obtenir le feu vert de la CIG pour gagner l’Angleterre.