L’euro fort, un handicap lourd pour les entreprises qui exportent

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Des billets de 100 euros et de 100 dollars (Photo : Thomas Coex)

[08/10/2010 16:06:08] PARIS (AFP) Déjà confrontées à une reprise économique fragile, les entreprises françaises exportant hors de la zone euro voient d’un mauvais oeil la vigueur retrouvée de la devise européenne, synonyme pour eux de baisse de profits et de compétitivité.

“Un euro trop fort est un boulet énorme pour les exportateurs”, estime Pierre Nanterme, président de la commission économique du Medef, la principale organisation patronale.

“La nouvelle dégradation de la parité euro/dollar pourrait pénaliser nos exportations”, renchérit Claude de Jouvencel, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS), secteur, avec l’aéronautique, le luxe, le tourisme et la chimie, particulièrement exposé aux fluctuations monétaires.

Le taux de change de la devise européenne a beaucoup augmenté ces dernières semaines. Il a atteint le seuil de 1,40 dollar sur fond de craintes d’une guerre des monnaies entre grandes zones économiques.

Ce nouveau raffermissement de l’euro, après la fièvre de l’été 2008 (1,60 dollar), a pour effet une perte de compétitivité pour les entreprises exportatrices françaises, explique Karine Berger, économiste chez Euler Hermes, “car leurs prix augmentent automatiquement”.

Concrètement, elles sont contraintes de baisser leurs prix pour rester attractives, auquel cas elles enregistrent une baisse de leurs marges ce qui entraîne une chute de leurs profits.

Selon une étude de la banque HSBC, si l’euro s’apprécie de 10% faire face au dollar, les entreprises françaises sont contraintes de baisser leurs prix d’environ 5%.

Si elles continuent à pratiquer leurs prix, elles devraient faire faire face à une baisse de leurs ventes dans les pays émergents (Chine, Inde, Brésil…), rares îlots actuels de croissance. Cette solution engendre aussi un recul de bénéfices, résume Karine Berger.

Un euro fort empiète aussi sur les investissements des entreprises françaises exportant hors de la zone euro et affectent leurs carnets de commandes.

Le patron d’EADS, Louis Gallois, n’a de cesse de répéter qu’une baisse du dollar de dix centimes par rapport à l’euro représente une perte nette de plus d?un milliard d?euros pour le constructeur européen.

Ces trois dernières années, le renchérissement de l’euro a coûté à l’industrie aéronautique et de défense (Airbus, Thales, Safran, Latécoère…) plus de 4 milliards d’euros de manque à gagner de capacité d’autofinancement, selon l’organisation professionnelle du secteur, le Gifas.

Dans la filière viticole, fortement bousculée par la concurrence des vins du Nouveau monde, la FEVS craint que le bond (+19,5%) des exportations de vins et spiritueux, observé sur les sept premiers mois de l’année, soit interrompu.

Pour le tourisme, la vigueur de la devise européenne signifie une baisse de pouvoir d’achat des visiteurs étrangers venant de pays hors zone euro, dans un secteur qui dépend beaucoup de la clientèle asiatique et américaine.

Dans le luxe (LVMH, Hermès…), l’euro fort est en train d’effacer tous les gains positifs que le dollar à 1,30 avait laissé entrevoir, selon un analyste du secteur qui a requis l’anonymat.

Pour se prémunir de ces fluctuations monétaires, les entreprises disposent de munitions limitées. Soit elles couvrent leurs activités en gérant elles-mêmes un portefeuille de changes, c’est le cas d’EADS. Le constructeur est présent sur le marché des changes avec environ 70 milliards d’euros. Seul hic, cette option coûte cher.

Les entreprises pourraient aussi être poussées à délocaliser pour réduire leurs coûts, ce qui est préjudiciable pour l’emploi. Selon le Gifas, les mouvements euro/dollar ont empêché de créer 7.000 emplois par an en France depuis trois ans.