Une vue de New York, le 22 avril 2010 (Photo : Saul Loeb) |
[09/10/2010 08:29:15] PARIS (AFP) Chemise à carreaux, jean déchiré et cheveux en bataille: à 25 ans, Hugues Armand-Delille a définitivement remisé au placard son habit de jeune loup de la finance, après le suicide de son ancien patron, un gestionnaire de fonds ruiné par l’affaire Madoff.
“Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez la veille de Noël en 2008 ?”, demande le jeune homme de retour dans son ancienne école de commerce, l’EDC, située à la Défense. “Moi, j’ai retrouvé mon patron mort dans son bureau”, lance-t-il devant de futurs diplômés.
Le 23 décembre 2008, Thierry de la Villehuchet, cofondateur du fonds Access International, met fin à ses jours dans son bureau new-yorkais, moins de deux semaines après la révélation du scandale Madoff.
En plus de son poste d’analyste junior, Hugues était l’assistant de M. de la Villehuchet, effectuant souvent “un boulot de secrétaire où il ne faut pas louper le coche”.
Il avait été embauché fin 2007 un peu par hasard, sans diplôme ouvrant les portes de la finance et sans souhaiter à tout prix entrer dans ce milieu.
“Mon désir était de faire mes preuves” et de vivre à New York, décrit le jeune homme, issu d’un couple franco-américain et dont le père s’est reconverti dans l’agriculture après un passage dans la banque.
Débutant comme stagiaire chez Access, Hugues s’est formé aux techniques de marché et y a découvert un univers irrationnel, où les mathématiques sont en définitive moins importantes que “la gueule”.
Il y croise des centaines de gens et bien avant l’arrestation de Bernard Madoff, il a déjà beaucoup entendu parler de ce courtier star… “qui n’accepte qu’un ou deux rendez-vous par an”, comme il le raconte dans un livre paru début septembre et intitulé “Madoff et moi” (Flammarion).
“Thierry me dit que, d’ici deux ou trois ans, quand je maîtriserai parfaitement les ficelles du métier, il m’emmènera à un rendez-vous” chez Madoff, se souvient le jeune homme.
En revanche Hugues a vu un certain Patrice de Maistre, gérant de la fortune de Liliane Bettencourt, aller à la rencontre de Bernard Madoff en 2008, avec son patron, M. de la Villehuchet.
Des assertions qui ont conduit le juge Renaud Van Ruymbeke à s’intéresser aux liens présumés de l’un des protagonistes de l’affaire Bettencourt avec le financier américain, selon Hugues.
11 décembre 2008: les télévisions américaines annoncent l’arrestation de Bernard Madoff. Les téléphones sonnent sans arrêt. Les clients sont paniqués… tout comme les gérants qui découvrent en même temps la fraude.
Le fonds Access est l’un des plus touchés, il aurait perdu plus de 1,5 milliard de dollars, ce qui va, avec le suicide d’un de ses fondateurs, mettre fin au rêve américain du jeune Hugues.
Après cette expérience, il s’imagine acteur de cinéma, où il incarnerait son propre rôle : celui d’un jeune homme devenu témoin, contre son gré, de la plus grande escroquerie de Wall Street.