Chine : Après le Nobel de Liu Xiaobo, la propagande du Parti contre Twitter

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écrivain chinois Liu Xiaobo et de sa femme Liu Xia à Pékin. (Photo : AFP)

[11/10/2010 11:51:08] PEKIN (AFP) Dès l’annonce de l’attribution du Nobel de la paix au dissident Liu Xiaobo, la Chine a mis en action son impressionnante machine à censurer tous les médias, sans pouvoir toutefois réduire au silence ses opposants sur l’internet et surtout Twitter.

Sitôt la nouvelle tombée vendredi d’Oslo, la censure en Chine du Département de la propagande d’un des derniers régimes communistes a été rapide et multimédia: télévisions, radios, journaux, téléphone et internet.

Les SMS comportant le nom de Liu Xiaobo ont été bloqués. Une manoeuvre radicale mais techniquement facile à réaliser.

La télévision nationale CCTV n’a soufflé mot du Nobel et a ouvert son journal du soir sur les inondations dans le Sud.

Sur les chaînes étrangères diffusées par satellite comme CNN, la BBC ou la francophone TV5, les premières images de reportage sur le Nobel laissaient la place à un écran noir.

Sur les grands portails de l’internet tels Sina ou Sohu, pas de trace de Nobel non plus.

“Les éditeurs des sites qui publient la nouvelle du Nobel perdront leur travail”, a écrit sur Twitter un certain “secrétaire Zhang”, avant d’annoncer avoir été assigné dimanche à résidence.

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ège chinois de Google à Pékin, le 14 janvier 2010 (Photo : Liu Jin)

Mais lundi, trois jours après son attribution, la récompense a enfin été évoquée, par un curieux biais: la publication d’une dépêche de l’agence officielle Chine Nouvelle rapportant que “les médias russes estiment que le prix Nobel de la paix est devenu un outil politique aux mains de l’Occident”, une dépêche reprise par des dizaines de publications en ligne.

Quant aux journaux, ils ont été muets, hormis le Global Times, dépendant du Quotidien du peuple, organe du Parti communiste chinois, qui a fustigé samedi ce comité Nobel qui s’est “déshonoré”.

Seul le Quotidien de la jeunesse de Pékin a publié un article sur le Nobel, sauf qu’il s’agissait du Nobel de littérature – un moyen d’envoyer un message subliminal sans s’attirer les foudres officielles.

L’organisation Reporters sans frontières (RSF), installée à Paris, a déploré cette censure “honteuse”, qui représente “une insulte à l’universalité du prix Nobel de la paix”.

“Les journalistes chinois ont eu des directives du Département de la propagande interdisant de publier quoi que ce soit” sur le Nobel, relève Renaud de Spens, spécialiste des médias, tout en soulignant que c’est “tout à fait habituel” pour une question aussi sensible.

Pourtant la censure est de moins en moins efficace avec l’internet, censé être surveillé par quelque 40.000 “policiers du net” et “plein de messages sont passés à travers le filet”, dit-il, notamment de nombreux commentaires jubilatoires, sur les messageries instantanées.

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La page d’accueil du site Twitter (Photo : Nicholas Kamm)

Liu Xia, la propre épouse du dissident nobélisé, désormais privée de liberté comme de téléphone sous le régime de l’assignation à résidence, a pu communiquer ce week-end avec l’extérieur via Twitter: “J’ai vu Xiaobo, et je lui ai dit (samedi) dans sa prison qu’il avait remporté le prix. S’il vous plaît (…) aidez-moi à communiquer grâce à Twitter. Merci”.

“Evidemment, tous ces outils là n’étaient pas prévus au départ”, dit M. de Spens, et le régime ne peut que “mettre des rustines sur un phénomène de diffusion de masse”.

Véritable pied de nez, jusque sur le forum du Quotidien du peuple “Grande puissance”, les censeurs ont été pris de court dans l’heure suivant l’annonce du Nobel, certains messages ayant pu rester cinq minutes avant d’en être effacés. Une heure plus tard, leur longévité n’était plus que d’une minute.

Lundi, la censure se relâchait un peu, et les recherches sur “Liu Xiaobo” sur le moteur de recherche Baidu aboutissaient.

“Ce qui terrorise le pouvoir, ce sont les mouvements de masse. Des manifestations le jour même, voilà ce qu’ils voulaient à tout prix éviter”, dit M. de Spens.

“Maintenant que le feu médiatique est un peu retombé, la censure s’allège un peu”.