Europe : L’euro en sursis ?

photo_1285777989051-1-1.jpgHaro sur la monnaie unique, attaquée par les marchés. Mais phénomène curieux, ce n’est pas la spéculation qui la mettrait à mal, elle est minée de l’intérieur par les PIG’S, selon les observateurs. Sans oublier la main invisible de la Chine.

A peine la tragédie grecque dépassée, revoilà la monnaie unique sous pression. L’Irlande est virtuellement en défaut. Elle l’est en réalité mais on la tient sous perfusion. Là encore ce sont les méfaits de la crise, celle-là même qui a permis, entre autres dégâts, de transposer le risque de défaut des entreprises privées sur les Etats. L’UE est appelée en pompier. Bien entendu les marchés ont sauté sur l’aubaine et l’euro dévisse  contre le dollar. Cependant, le danger n’est pas tant que l’euro perde de la valeur contre le billet vert. On parle d’une possibilité que l’euro soit sabordé de l’intérieur. Danger ! Il y a péril en la demeure.

Le Fonds de soutien de l’UE

Un mécanisme a été mis en place à l’occasion de la crise grecque. L’UE a mobilisé 750 milliards d’euros pour parer à toutes éventualités. On disait le Portugal mais encore l’Irlande, la Grèce et l’Espagne en crise latente (PIG’S). Cette ligne sismique est en train de se fissurer lentement. Les épisodes se succèdent. L’Irlande vient de trébucher. L’Espagne vient d’être dégradée par les agences de notation. L’Italie est sous haute surveillance. Mais le trésor de guerre que l’UE a mis de côté, comme poire pour la soif, peut très bien faire face à la situation.

L’Irlande est dans une situation moins désastreuse que la Grèce laquelle a littéralement tripatouillé ses comptes publics. L’Espagne et l’Italie sont tout à fait éligibles aux concours du FMI. Et puis passé l’effet de «honte» dans l’épisode grec, l’UE peut tout à fait accepter l’immixtion du FMI dans sa gestion des pays en difficulté. A priori la chose paraît plausible, n’était-ce le «nein» allemand. Les contribuables allemands renâclent à payer. Non pas tout à fait qu’ils les regardent comme des pays dispendieux ou assistés, assez désagréable en soi, bien pire, ils les disqualifient au plan de la compétition économique, en général, et industrielle, en particulier. L’opinion allemande a l’effet d’un carton rouge, elle sonne comme un discrédit.

Que faut-il au «Pacte de Stabilité» : un euro fort ou un euro stable ?

La RFA agit toujours à l’adresse de ses contradicteurs les engagements pris par les Etats dans le cadre du «Pacte de Stabilité». S’agissant d’un pacte, il est contraignant, répètent les Allemands à qui veut bien les entendre. L’Allemagne a renoncé au mark, qui était son emblème et son drapeau, uniquement parce que les Quinze de l’époque, même si tous n’ont pas intégré la Monnaie unique, tels la Suède ou le Danemark et la GB, avaient souscrit au postulat d’un euro fort. Et cela était consigné dans le Pacte de Stabilité. Mais ce choix est hautement sévère. Il nécessite des arbitrages douloureux. Pour le respecter, les pays devaient faire des sacrifices au plan social, ce que n’acceptaient pas les opinions publiques. Alors, la seule solution était de camoufler les déficits budgétaires. C’était allé, dans un cas extrêmes avec la Grèce jusqu’à la triche pure et simple, et dans celui de l’Espagne dans un faux fuyant de croissance tirée par l’immobilier, mais de manière inconsidérée, c’est-à-dire au mépris des cycles conjoncturels qui régentent ce secteur, un peu comme aux Etats-Unis. Et, tout naturellement quand se produit le retournement de marché, le pays se trouve très exposé car les pare-feux sont inopérants et le refinancement de la dette devient problématique.

Les Allemands pensent qu’il y a parjure donnant lieu à péril monétaire. A bien observer, la condition allemande était difficile à tenir et même hors de portée. L’UE est d’abord le fait d’un couple moteur franco-allemand, or l’école dominante en France, représentée par Raymond Barre, en qualité d’économiste mais également d’homme politique, était de parier sur une devise stable et non pas forte. Ce sont deux courants, pour le moins, incompatibles.

L’euro, une monnaie «politique» ?

Avec une monnaie forte, l’Allemagne pouvait importer au «son du canon». Des importations bon marché c’est la garantie d’une paix sociale. Une classe ouvrière chouchoutée c’est l’assurance d’une marge conséquente de productivité, clause de nature à pérenniser la suprématie industrielle allemande et le modèle rhénan.

En revanche, la stabilité c’est l’assurance d’une paix financière et des conditions d’un refinancement au «son du violon», une manière d’apprivoiser les marchés et d’être à l’abri de la spéculation.

Dès l’origine, les deux pensées paraissaient difficilement conciliables et c’est pour cela que l’on a dit que l’euro est une monnaie politique née de la volonté des dirigeants français et allemands et ralliés, timidement, par les autres partenaires. Alain Cotta, économiste de renom est le chef de file de ce courant de pensée. Mais, c’est oublier que l’euro a été enfanté dans les pas du système monétaire européen qui avait pour mérite de fixer les cours des diverses européennes par rapport à un premier étalon à savoir l’écu et que les parités, qui reflètent réellement les fondamentaux des économies des pays membres, ont tenu bon. C’est à la suite de cela et seulement à la suite de cela que le pas a été franchi et que l’euro a été créé. Donc l’euro est une monnaie viable n’était-ce le pied de nez du yuan.

Le cri d’alarme allemand : La Chine ou la mort

Le pari du «Pacte de Stabilité» a bien été torpillé par la sous-performance des pays européens, cela va sans dire. Mais il a également été sourdement saboté par le comportement du yuan. Longtemps sous évalué, le «rinminbi», monnaie du peuple, a joué systématiquement contre l’euro. Longtemps lié au dollar par un PEG, le yuan était au dessous de sa valeur réelle, ce qui au final rendait les importations européennes à partir de Chine incontournables, noyautant le secteur manufacturier européen, et rendant les exportations européennes à destination de la Chine hors de prix, donc hors marché.

Par ailleurs, les réserves chinoises étant libellées en dollar US, le billet vert pouvait narguer, à souhait, l’euro. Cette situation a agacé l’Allemagne qui se voit en train d’engraisser son principal rival industriel en perdant le contrôle sur l’euro. Dans cette situation, les contribuables allemands peuvent en effet éprouver le sentiment d’être grugés par leurs partenaires européens et ils se voient devenir une proie pour la Chine, d’où leur «cri de guerre» : la Chine ou la mort !

Cependant, le duel avec la Chine peut se résoudre d’une autre manière. A monnaie politique, recours politique. On imagine très bien une offensive européenne au niveau de l’OMC pour discipliner le secteur productif chinois. Priver la Chine de ces écarts par rapport au code du travail, c’est la ramener à son niveau réel, celui de mécano manufacturier et commercial.

On dit souvent que la Chine est l’usine du monde. En réalité elle est surtout l’usine des Etats-Unis. Les IDE américains ont fait la puissance industrielle de la Chine. La Chine est la garantie de la vie bon marché pour les travailleurs américains. Elle est la clé pour préserver «l’american way of life». C’est une «réserve» manufacturière US, sans plus et j’attends que l’on me prouve le contraire. La puissance technologique chinoise je ne la vois pas. On ne peut pas avoir un potentiel technologique sans capital savoir, ce que ne possède pas la Chine, à l’heure actuelle. Bill Gates, à l’aube de l’an 2000, claironnait haut et fort «le XXIème sera le siècle de la technologie et la technologie, c’est l’Amérique» CQFD. Si donc l’UE donnait un coup de frein à la progression chinoise via l’OMC, tout rentrerait dans l’ordre.

Toute autre situation, inspirée par des considérations et des intérêts de courte vue, par le seul nationalisme économique serait désastreuse pour l’UE et les pays émergents qui ont lié le sort de leur monnaie à l’euro dont les pays du sud de la Méditerranée.