La libéralisation du rail “voyageurs” dans l’UE reste encore théorique

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Un ICE, le TGV allemand entre dans le tunnel sous la Manche, le 13 octobre 2010. (Photo : Denis Charlet)

[13/10/2010 15:25:49] PARIS (AFP) Près d’un an après son entrée en vigueur, la libéralisation du transport ferroviaire de passagers dans l’Union européenne reste en grande partie théorique, comme le montrent les difficultés de la compagnie allemande Deutsche Bahn à s’imposer dans le tunnel sous la Manche.

Officiellement, les liaisons internationales dans l’UE sont ouvertes à la concurrence depuis le 13 décembre 2009, conséquence d’un paquet de mesures adoptées deux ans plus tôt par le Parlement européen, qui visait à améliorer la compétitivité et les services aux voyageurs.

Pour autant, la donne n’a pas vraiment changé dans un secteur encore largement dominé par les compagnies nationales. En outre, les liaisons internationales ne sont pas forcément les plus intéressantes car les trafics attendus sont plutôt modestes et les investissements nécessaires considérables.

En France par exemple, le monopole de la SNCF, mastodonte européen du secteur, reste incontesté faute de candidats.

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à la gare de Milan le 13 décembre 2008 (Photo : Giuseppe Cacace)

D’autres opérateurs ont bien fait part de leur intérêt pour exploiter des lignes internationales, comme le français Veolia Transport associé à la compagnie ferroviaire italienne Trenitalia, mais sans que cela ne se concrétise pour l’instant.

“Ceci demande des investissements lourds, avec l’achat de rames, des mises aux normes éventuelles et la formation du personnel pour qu’il soit habilité à rouler en France”, explique un porte-parole de Réseau ferré de France (RFF), qui ne désespère pas de voir arriver de nouvelles compagnies sur les voies dans les prochaines années.

C’est cette entreprise publique, propriétaire du réseau ferré, qui a la responsabilité de vendre les créneaux pour faire circuler les trains.

Pour l’instant, les liaisons assurées entre les pays européens sont donc le fruit de coopérations entre les sociétés ferroviaires.

Deutsche Bahn a porté mercredi un coup de canif à cet état de fait. A terme, elle veut assurer des liaisons régulières entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne via le tunnel sous la Manche, où les seuls trains passagers autorisés à circuler actuellement sont ceux d’Eurostar, dont la SNCF détient 55% du capital.

Du côté de la Commission européenne, le prochain objectif est d’arriver à une ouverture totale à la concurrence des chemins de fer. C’est-à-dire, après le fret et les liaisons inter-pays, des liaisons nationales.

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à la gare du Nord à Paris. (Photo : Thomas Coex)

Certains Etats ont pris les devants, comme l’Allemagne où le marché est ouvert depuis 1994. Le rôle de Deutsche Bahn y reste prépondérant mais d’autres groupes ont fait leur apparition, comme Keolis, la filiale de transport public de la SNCF, qui a lancé des trains régionaux dans l’ouest du pays.

Les Pays-Bas, la Suède, le Danemark ont fait de même. Ou encore la Grande-Bretagne, avec la privatisation du réseau voyageurs au milieu des années 1990 et l’éclatement en 25 concessions, non sans créer de graves problèmes et aboutir à une reprise en main partielle par l’Etat.

Dans le sud de l’Europe, Trenitalia sera confronté à partir de 2011 à la concurrence de la société privée NTV, qui a pour actionnaire notamment la SNCF.

Ces différences nationales ne vont pas sans créer de frictions, notamment entre Allemands et Français: les premiers reprochent régulièrement aux seconds de ne pas ouvrir assez vite leur trafic passagers, alors que la SNCF ne se prive pas d’aller sur les plate-bandes de ses voisins.

En clair, la libéralisation totale n’est pas pour demain. “Mon rêve ferroviaire pourrait s’appeler un espace ferroviaire paneuropéen unique en 2050”, a résumé le mois dernier un de ses plus chauds partisans, le commissaire européen aux Transports Siim Kallas, pour qui “il faudra démanteler les liens très forts avec les lobbies politiques”.