Confrontée à une contre-attaque visant à le dessaisir de l’affaire opposant Tunisie Télécom et Tunisiana, d’un côté, et les opérateurs de services à valeur ajoutée, de l’autre –au motif que «les affaires d’entrave à la concurrence au sein du secteur des télécommunications obéissent à un régime spécial les excluant de (sa) gouvernance générale»-, le Conseil de la Concurrence a donc décidé de passer outre. Pour deux raisons : primo, il se considère habilité à juger cette affaire, secundo, il estime que les faits imputés aux deux opérateurs télécoms doivent être sanctionnés.
Sur le premier point, l’instance présidée par Mohamed Kolsi reconnaît, certes, qu’«il est admis qu’en cas de conflit de lois la pratique veut que le texte particulier prévale sur le général». Mais, fait observer le Conseil de la concurrence, «la bonne application de cette règle dépend de la délimitation du domaine au travers duquel il convient de percevoir la nature générale ou particulière des textes qu’on veut faire prévaloir».
Or, dans le cas d’espèce, le Conseil estime que lorsqu’il exercice les prérogatives que lui a fixées la loi de la Concurrence et des prix, il «n’étend pas son contrôle à la réalité de l’activité au sein de certains secteurs économiques quelle que soit la nature des actes commis par les entreprises qui y travaillent». Bien au contraire, cet organisme affirme qu’il se limite dans l’examen de tels actes à leur impact sur la liberté de concurrence.
De surcroît, attaquant ses contradicteurs sur leur propre terrain, le Conseil leur fait remarquer que même en regardant de très près le Code des télécommunications –dont ils ont fait la base de leur défense-, on n’y trouve rien qui «accorde à l’INT la prérogative de l’examen des pratiques entravant la concurrence et ayant de ce fait un impact sur le secteur des télécom».
Même si l’’article 63 du Code des télécommunications utilise des «expressions générales» -du genre «examen des litiges concernant l’établissement et la gestion de réseaux», «contrôle du respect des engagements résultant des dispositions légales et réglementaires dans les télécommunications»- pour définir le domaine d’intervention de l’INT, constate le Conseil de la concurrence, cette instance «ne peut prendre en charge des questions, en dehors des cas d’auto-saisine, que lorsqu’elle est sollicitée par les parties autorisées à le faire conformément à l’article 67 nouveau» dudit code. Or, cet article «a énuméré les domaines» dans lesquels ces parties portent plainte devant l’INT, et ceux-ci se limitent «aux plaintes ayant trait à la connexion physique, au partage de la boucle locale et au positionnement commun des infrastructures et services de télécommunications».
De même, le Conseil de la Concurrence estime qu’on ne peut pas «dire que l’INT est spécialisée dans l’examen des pratiques entravant la concurrence dans le secteur relevant d’elles», car «le Code des télécommunications ne fait aucune référence à ces pratiques». A l’appui de son constat, le Conseil rappelle le contenu des deux articles (74 nouveau du Code des télécommunications, et 9 et 11 de la loi sur la concurrence et les prix).
Le premier confie à l’INT le pouvoir de «punir le contrevenant dont la violation des dispositions légales et réglementaires concernant le secteur des télécommunications est avérée» mais en précisant qu’elle ne peut le faire que «dans les limites de ses prérogatives». Les deux autres désignent respectivement l’INT parmi les organismes habilités à porter plainte devant le Conseil de la Concurrence (11) et à demander son avis au sujet des questions ayant un rapport avec la concurrence (9).