épi de maïs (Photo : Ronaldo Schemidt) |
[16/10/2010 10:51:40] NEW YORK (AFP) Les cours des céréales s?envolent de nouveau sur les marchés internationaux des matières premières agricoles, faute d’efforts pour stopper la spéculation depuis la désastreuse crise alimentaire de 2008, selon des experts universitaires et l’organisation humanitaire Oxfam.
Après les pics des prix du blé au cours de l’été, c’est au tour du maïs de s’envoler à des cours inédits depuis deux ans. Une hausse susceptible d’affecter principalement les pays pauvres et/ou dépendants des importations de nourriture.
En 2008, les cours des céréales avaient atteint des records historiques provoquant une véritable crise alimentaire et des émeutes dans de nombreux pays africains, mais aussi en Haïti et aux Philippines.
Dans un rapport fin septembre, la Banque mondiale a identifié une quizaine d’économies dont la sécurité alimentaire est particulièrement menacée, notamment des pays d’Afrique noire où le maïs entre dans l’alimentation de base, et l’Egypte, premier importateur mondial de blé.
écolte de blé en France, en juillet 2010 (Photo : Johanna Leguerre) |
La situation actuelle n’est pas la même qu’il y a deux ans. Les stocks de blé restent à des niveaux très élevés dans le monde et les prix du riz, qui s’étaient envolés pendant la crise alimentaire de 2008, n’ont pas suivi le mouvement.
Mais la situation du maïs est plus préoccupante. Car comme l’explique Philippe Chalmin, professeur d’économie à l’Université de Paris-Dauphine, “ce ne sont pas les stocks mondiaux qui comptent, mais ceux des pays exportateurs, et là, c’est un peu juste: les stocks de maïs aux Etats-Unis sont au plus bas depuis 14 ans”.
Pour Scott Irwin, professeur à l’Université de l’Illinois, il faut “revenir sur des années de réduction des dépenses publiques de recherche et développement et agir sur la productivité agricole. C’est doublement important en raison de la pression liée à la part croissante dédiée aux biocarburants dans les récoltes”.
Comme en 2008, les biocarburants sont montrés du doigt.
A l’époque, les prix de l’éthanol avaient grimpé dans le sillage du pétrole, à près de 150 dollars, “focalisant l’attention (…) et posant la question de savoir s’il fallait produire plus d’éthanol”, se remémore Bill Nelson du cabinet de conseil Doane Advisory Services.
Aux Etats-Unis, le maïs est principalement destiné aux biocarburants et l’alimentation animale. Le problème pourrait s’aggraver, les Etats-Unis venant de relever le taux d’éthanol autorisé dans l’essence, à 15%, contre 10% auparavant.
Mais d’autres observateurs refusent d’écarter le problème de la spéculation, comme l’organisation humanitaire Oxfam.
“En termes de reports de récoltes, il n’y a pas de raison de penser que l’on se dirige vers une poussée des prix catastrophiques”, assure Gawain Kripke, un des responsables nord-américain de l’organisation humanitaire, qui s’inquiète plutôt de l’arrivée de liquidités sur les marchés des matières premières et des achats massifs par des fonds qui gèrent les produits comme des actifs financiers.
Les critiques se portent sur l’inaction des gouvernements depuis la crise de 2008.
Il faut créer des “coussins de sécurité”, notamment en Afrique, explique à l’AFP Raj Patel, professeur à l’Université de Berkeley en Californie. “Un +coussin de sécurité+ serait simplement le fait d’avoir des graines et céréales disponibles localement” alors qu’actuellement les pays préfèrent faire leur marché au niveau international.