Pour séduire les investisseurs, les Etats se mettent maintenant sur leur 31

photo_1287647985422-1-1.jpg
à Athènes, le 27 avril 2010 (Photo : Aris Messinis)

[21/10/2010 08:06:22] PARIS (AFP) La crise de la dette souveraine, déclenchée il y a un an, a contraint les Etats de la zone euro à communiquer davantage avec les investisseurs afin de préserver leur confiance dans les obligations qu’ils émettent.

Après une longue crise de six mois, le sauvetage de la Grèce, qui risquait de ne plus pouvoir rembourser ses obligations d’Etat, a marqué un tournant pour les marchés.

“Auparavant, on demandait très peu d’information à un émetteur souverain parce qu’on considérait qu’il y avait très peu de chances pour qu’il fasse défaut”, explique un banquier en charge d’émissions obligataires, sous couvert d’anonymat. “Mais on se rend compte aujourd’hui qu’on a intérêt à devenir sélectif, ou en tout cas très exigeant”, ajoute-t-il.

Sortie du jeu par le plan de sauvetage, la Grèce n’aura plus à se confronter aux investisseurs pour emprunter à moyen et long terme avant fin 2011 au moins. Mais d’autres pays dits périphériques de la zone euro, tels l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande, secoués durant la crise, restent tributaires des marchés et de la confiance des investisseurs.

Jadis relativement anecdotique pour des Etats, les “road shows”, séries de rencontres avec les investisseurs à l’étranger, ont ainsi pris une importance nouvelle.

“Aujourd’hui, on voit des secrétaires d’Etat ou même des ministres des Finances lors de certains +road shows+, ce qui n’était pas ou moins le cas auparavant”, observe Frédéric Gabizon, responsable des marchés primaires obligataires chez HSBC France. Outre le nombre de ces rencontres, en augmentation pour ces pays, la tonalité a nettement changé. “On insiste davantage sur les réformes structurelles en cours destinées à améliorer les finances publiques”, explique M. Gabizon.

Fragilisée par la crise grecque, l’Espagne a effectué depuis une mue qui a séduit les investisseurs. “Elle a beaucoup travaillé à sa communication sur les nouvelles mesures (de réduction des déficits) ainsi qu’à la promotion de nouveaux véhicules d’investissement avec des +road shows+ et des présentations”, constate Davide Percipalle, directeur en charge des emprunteurs réguliers chez Crédit Agricole CIB.

En revanche, un autre banquier considère que “la Grèce, le Portugal et l’Irlande vont devoir repenser la manière dont ils se vendent aux investisseurs”.

Philippe Mills, directeur de l’Agence France Trésor, qui gère la dette de l’Etat français, évoquait aussi récemment le cas de l’Irlande, jusqu’à présent peu en contact avec les investisseurs, en raison d’une situation budgétaire favorable.

“Ils sont arrivés récemment en disant: vous ne m’avez pas vu depuis plusieurs années et je ne suis pas dans une situation parfaite”, a-t-il expliqué, d’où un certain désarroi qui a induit un net durcissement des conditions de financement de l’Irlande.

Et M. Mills de rappeler la nécessité de communiquer “de manière continue”. Avec ses 27 “road shows” en 2009, l’Agence France Trésor était ainsi, dès avant la crise, l’émetteur de la zone euro qui voyageait le plus.

S’ils ont plutôt bénéficié que pâtit de la crise, les Etats considérés comme les plus solides de la zone euro, dont la France, ont néanmoins eux-aussi changé leur discours et insistent désormais sur leurs propres réformes.

Conscients de la nécessité de cohésion de la zone euro, ils n’ont néanmoins pas cherché à faire valoir leur statut de valeur refuge, au détriment d’autres pays fragilisés.

“Ce n’est pas parce que votre voisin vous emmerde que vous allez foutre le feu chez lui”, résume un banquier spécialisé dans les émissions d’Etat, car “cela vous apporterait plus de problèmes que de solutions”.