Blue Line : la mort trouble d’une compagnie VIP qui avait tout pour réussir

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à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, près de Paris. (Photo : Jack Guez)

[22/10/2010 07:41:17] PARIS (AFP) Tournée mondiale de U2, transport des Bleus en Afrique du Sud: la compagnie Blue Line, spécialisée dans les vols VIP à la carte, vient de sombrer dans des conditions troubles, au point de susciter une enquête diligentée par la justice.

A la surprise générale, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé, le 6 septembre, la liquidation judiciaire de cette compagnie. Un choc pour ses quelque 200 salariés, réduits au chômage, et plusieurs sous-traitants impayés.

Pourquoi si vite ? “Il n’y avait presque plus d’argent dans les caisses”, répond à l’AFP le liquidateur judiciaire, Me Yannick Mandin, selon qui l’entreprise souffrait depuis novembre 2009.

Née en 2002 à l’initiative de Xavier Rémondeau, ancien pilote, Blue Line était devenue l’un des leaders mondiaux du transport VIP à la carte: 300.000 passagers par an, flotte de deux Airbus A310, quatre MD 83, deux Fokker 100.

Tournées de stars (Rolling Stones), déplacements de la Fifa, Blue Line enchaînait les contrats prestigieux.

Elle travaillait aussi pour les Etats: reconduites à la frontière, notamment de Roms expulsés de France, retour de militaires britanniques d’Afghanistan, voyages de dirigeants comme le président afghan Hamid Karzaï, selon plusieurs anciens salariés. “On a aussi rapatrié des ex-prisonniers de Guatanamo”, témoigne l’un d’eux sous couvert d’anonymat.

Largement bénéficiaire en 2007 et 2008, Blue Line plonge brutalement l’an dernier. A la crise et au volcan islandais, s’ajoutent des avaries et le retard de livraison puis l’immobilisation d’un A310 corrodé. Dès novembre 2009, le tribunal de commerce de Pontoise est saisi pour chercher une solution.

En mars 2010, Vermeer Capital, société d?investissement adossée à la Caisse des dépôts, entre au capital, avec 7 millions d’euros.

Peine perdue. Lors de la liquidation, la société Blue Line accuse un passif de quelque 37 millions d’euros et sa holding Blue Line Group de 6,5 millions, selon le jugement dont l’AFP détient une copie.

“On n’a pas compris”, assure Céline Frémondeaux, secrétaire du comité d’entreprise. “On n’en restera pas là, d’autant que la direction ne nous a jamais fourni certains chiffres demandés et qu’il y a des soupçons sur des responsables”.

Le 6 août, Vermeer Capital, qui préside le conseil de surveillance de Blue Line Group, émet des doutes et débarque Xavier Rémondeau, selon le procès-verbal d’une réunion de ce conseil dont l’AFP a obtenu copie.

Le document évoque “des faits graves dans la gestion”, dont l’utilisation d’une carte bancaire pour “380.000 euros en deux ans” par un dirigeant. Ou un autre salarié qui signait des commandes de “montants importants” pour une société dont il est gérant.

“Totalement faux”, rétorque M. Rémondeau à l’AFP pour qui la société pouvait être sauvée et affichait 65 millions de chiffres d’affaires en août. C’est une “immense déception de voir qu’on peut faire disparaître une société avec une telle violence”.

“Personne ne peut croire qu’un fonds aussi connu que Vermeer puisse se faire berner sur la situation de l’entreprise”, renchérit l’ex-directeur général Thierry Loison.

“Il est certain que notre disparition va profiter à d’autres”, avance Céline Frémondeaux, rappelant qu’Europe Airpost (ex-Aéropostale), qui a annoncé en mars un virage vers le transport passager, a assuré le retour des Bleus du Mondial sud-africain, l’avion Blue Line étant en panne.

Le tribunal de commerce de Pontoise a commandé à un cabinet d’expertise une enquête informelle.

“Nous voulons aller vite”, tonne Me Mandin. “Et si une mauvaise gestion ou des malversations apparaissent, des sanctions seront prises”.