La caricature politique en Russie, un art cantonné à l’internet

photo_1288174374049-1-1.jpg
écran d’un site russe Kremlingremlin montrant une caricature le président Dmitri Medvedev et de Vladimir Poutine (Photo : Ho)

[27/10/2010 10:19:38] SAINT-PETERSBOURG, Russie (AFP) La caricature politique a presque disparu des journaux de Russie et pour voir le Premier ministre Vladimir Poutine et le président Dmitri Medvedev tournés en ridicule d’un coup de crayon, c’est vers l’internet qu’il faut se tourner.

Viktor Bogorad, caricaturiste réputé de Saint-Petersbourg, publie dans le quotidien économique indépendant Vedomosti – intéressé essentiellement par des thèmes économiques – et dans The Moscow Times, un journal qui s’adresse aux expatriés de la capitale russe, lectorat sans influence sur la vie politique.

“Il n’existe pas de caricature politique là où il n’y a pas de la lutte politique et là où la plupart des journaux dépendent du pouvoir”, explique ce dessinateur de 61 ans qui faisait circuler clandestinement ses dessins à l’époque soviétique.

“Tout ce qui concerne la satire politique, il faut aller le chercher sur l’internet, qui reste pour le moment un espace de liberté”, poursuit Viktor Bogorad.

Même se moquer des dirigeants régionaux est devenu impossible, dit-il : “Quand a-t-on vu pour la dernière fois une caricature du gouverneur (de Saint-Petersbourg, Valentina Matvienko) ? C’est tout simplement impossible pour la presse locale”, assure le dessinateur.

C’est donc sur umorist.ru, kremlingremlin.ru ou encore caricatura.ru que les caricaturistes commentent l’actualité politique et les actions de l’homme fort du pays, Vladimir Poutine, et de son successeur au Kremlin, Dmitri Medvedev.

Dans l’un des dessins publiés sur kremlingremlin.ru, on voit le Premier ministre portant une cravate aux couleurs du drapeau soviétique, manipulant une marionnette à l’effigie de M. Medvedev.

Toujours dans la même veine, le dessinateur Vladimir Moltchanov montre Vladimir Poutine se regardant dans un miroir pour y découvrir le visage du président russe actuel.

Selon de nombreux analystes, le Premier ministre a gardé les rênes du pouvoir bien qu’il ait quitté la présidence en 2008, la Constitution lui interdisant de se représenter pour un troisième mandat.

Si cette forme d’art existe donc toujours, elle est devenue confidentielle voire “clandestine”, selon Viktor Chenderovitch, créateur dans les années 1990 de l’émission politique de marionnettes, Koukly, déprogrammée de la chaîne NTV en 2004 alors que s’achevait la reprise en main des médias par le pouvoir.

“La satire en Russie est passée dans la clandestinité. Son existence est impossible sous le régime autoritaire de Vladimir Poutine”, dénonce M. Chenderovitch.

photo_1288174638672-1-1.jpg
à Saint-Petersbourg sur la “caricature politique d’hier et d’aujourd’hui”. (Photo : Kirill Kudryavtsev)

Dans ce contexte, trouver un dessin se moquant du pouvoir russe lors d’une exposition à Saint-Petersbourg sur la “caricature politique d’hier et d’aujourd’hui” en Russie et aux Etats-Unis relève de la mission impossible.

Le seul dessin exposé montrant M. Poutine date de 2001. Sous forme d’une affiche de propagande soviétique détournée, l’actuel Premier ministre y est vêtu d’un uniforme de l’armée rouge et appelle les Russes à se porter volontaires pour lutter contre le terrorisme.

“Malheureusement, on ne voit plus de caricatures politiques dans les journaux (…) C’est dommage, mais l’attitude du pouvoir envers la satire reflète le niveau de démocratie dans le pays”, regrette Evgueni Artiomov, le directeur du musée d’histoire politique de Saint-Petersbourg qui abrite l’exposition.

“La satire politique existe formellement en Russie, mais on ne peut la voir que dans des lieux particuliers, comme des musées”, relève de son côté Vassili Sergueevitch, un des visiteurs de l’exposition.