Décidément, le déjeuner-débat organisé par la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) mercredi 27 octobre en présence de Slim Tlatli, ministre du Tourisme à propos de la stratégie 2016 du tourisme tunisien, a été de bon augure, puisqu’annonciateur de bonnes nouvelles et d’actions d’envergure.
Slim Tlatli a, en effet, déclaré à cette occasion que la règlementation, selon laquelle 5% des parcours de golf peuvent être consacrés à l’hébergement, ce qui permettrait aux joueurs invétérés de résider tout près de leurs lieux de prédilection, peut enfin entrer en vigueur. Autre bonne nouvelle, les zones forestières et agricoles pourraient abriter des gîtes ruraux sans souffrir de modalités trop compliquées, mais à condition bien entendu qu’elles respectent les spécificités des sites dans lesquels elles sont hébergées. Enfin -et ce n’est pas une information de moindre importance-, la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) et son homologue des agences de voyage (FTAV) s’unissent pour le meilleur -et non pour le pire- car elles pourraient couler des jours heureux en travaillant ensemble pour secouer les mentalités et améliorer les performances des professionnels dans l’hôtellerie ainsi que dans le réceptif.
Le ministre a rappelé au cours du déjeuner-débat que le secteur touristique tunisien est amené à s’adapter aux mutations profondes «d’une ampleur énorme» qui se sont produites ces dernières années à l’international… La scène touristique internationale a beaucoup bougé».
Au regard de ces mutations, un diagnostic du secteur touristique tunisien a été fait et, pour la première fois, un plan d’actions a été mis en place pour faire également bouger les choses à l’échelle nationale. Il ne s’agit plus de concevoir des stratégies et de s’y arrêter mais plutôt d’avancer efficacement dans la réalisation des changements nécessaires et indispensables pour garantir la pérennité du secteur.
Quelques indicateurs significatifs pour commencer. 70% du transport aérien dessert le tourisme, 150.000 étrangers viennent se faire soigner dans les cliniques et hôpitaux tunisiens et 2 millions de touristes viennent en consultations externes, et surtout, le secteur touristique absorbe 400.000 emplois. L’impact du secteur va au-delà de ses activités classiques à voir son importance rien qu’au niveau du secteur de la santé.
«Pour chaque million de touristes, le secteur crée 60.000 emplois», c’est dire à quel point le tourisme est un créateur facile d’emplois, car différentes disciplines universitaires peuvent y être intégrées. Il génère 3,4 milliards de $ d’entrées en devises, ce qui représente 15% de nos exportations.
Le tourisme mondial a beaucoup évolué, le touriste est devenu plus exigeant, il a l’expérience du voyage et plus d’attentes. Il existe de nouveaux modes de consommation, tel le tourisme culturel, écologique, musical et sportif et de nouveaux modes d’hébergement. Il y a de plus en plus de concentrations au niveau des opérateurs du voyage qui sont devenus de grandes mastodontes à l’instar de Thomas Cook, et, fait très important, les réservations se font à travers le Net même si ensuite on passe par les agences de voyage.
Le positionnement touristique du pays tire la destination vers le bas, c’est une catastrophe
La Tunisie qui, il y a 30 ans, ne souffrait pas de concurrence se trouve aujourd’hui devant une concurrence des plus ardues. En 1982, la Tunisie recevait 1,3 million de touristes, l’Egypte en recevait 1 million et la Turquie de même. Aujourd’hui, la Tunisie en est à 7 millions, l’Egypte à 12 millions et la Turquie à 27 millions de touristes.
Les recettes touristiques sont aussi différentes. Elles sont beaucoup plus importantes dans les destinations concurrentes que dans notre pays.
Pourtant, les atouts de la Tunisie sont énormes. D’ordre civilisationnel, naturel et humain. Si ce n’est la vétusté du parc hôtelier dont près de 240.000 lits datent de plus de 20 ans, le manque de produits innovants, d’initiatives créatrices et d’implications beaucoup plus sérieuses de la part des différents opérateurs concernés et dont la survie même dépend du secteur touristique. «La diversification des produits n’existe pas dans notre pays», déplore le ministre. D’où la volonté des pouvoirs publics d’encourager la création et l’offre de nouveaux produits. «Je ne suis pas un rêveur, je sais que les tourismes culturel, sportif ou écologique ne pourront pas remplacer, en importance, le balnéaire, mais leur impact est important sur la valorisation de l’image de la destination et son rayonnement à l’international, et ce sont là des raisons suffisantes pour les encourager et les soutenir». Le tourisme saharien reste à ce jour un sous-produit du balnéaire. Le code des incitations aux investissements comprendra donc des avantages pour le développement de nouveaux produits.
Une enquête de satisfaction des consommateurs a, ainsi été réalisée durant la haute saison touristique. «L’une des questions “pourquoi avez-vous choisi la Tunisie?“, 8% seulement ont répondu que c’est grâce à la publicité, nous sommes donc invisibles du point de vue présence communicationnelle et publicitaire».
Il faut passer par des médias performants et ça sera le rôle de l’agence de communication qui sera créée au niveau de l’ONTT tout comme il faudrait que le budget soit assez conséquent. «Nos concurrents ont des budgets 4 à 5 fois supérieur au notre en matière de promotion».
«Les résultats inquiétants du tourisme tunisien semblent être le fait d’une inadéquation de l’offre, jugée fort balnéaire et de standing moyen en l’absence d’une diversification du produit malgré la politique engagée depuis quelques temps dans ce sens», a déclaré, pour sa part, Foued Lakhoua, président de CTFCI.
Le positionnement du secteur touristique tunisien doit évoluer vers la qualité plutôt que vers la quantité. A titre d’exemple, les recettes touristiques sont beaucoup plus importantes au Liban relativement au nombre de touristes. D’un autre côté, la qualité du produit touristique tunisien, qui laisserait à désirer sous certains aspects, devrait se plier à des normes rigoureuses pour être à la hauteur des attentes des visiteurs et à l’image d’un pays qui se veut précurseur en la matière, c’est à ce dessein que la charte qualité a été introduite.
Une hôtellerie qui abuse de ses avantages…
«L’hôtellerie tunisienne a beaucoup abusé du soutien de l’Etat et de l’argent du contribuable, a déclaré un ancien cadre à la STB chargé du secteur touristique. Il est temps que ces pratiques cessent et qu’une certaine rigueur morale et éthique soient suivie au niveau du secteur touristique».
«Les TO monopolisent les circuits de distribution, ce qui crée une dépendance au niveau de notre destination», a remarqué un autre intervenant.
Le ministre, qui a évité, diplomatie oblige, de réagir à la question se rapportant à la nonchalance de certains hôteliers, a répondu clairement à celle se rapportant au monopole des TO : «80% du marché allemand sur la Tunisie est détenu par 4 TO, près de 2/3 viennent par le biais des TO. Ce qui s’est passé c’est que nous n’avons pas anticipé et visualisé la montée des nouvelles technologies de l’information en matière de réservations. Les TO continueront à être des opérateurs importants sur le marché du voyage. Toutefois, 30 à 40% des réservations passeront par le canal Internet. C’est à ce niveau qu’il faut se positionner en étant plus présents».
Parlant de certains partenaires étrangers devenus “acteurs“ dans la dégradation de la qualité du produit hôtelier à cause des pressions qu’ils font sur les prix et de leur soi-disant ignorance de la dégradation de la qualité des services et celle de la restauration au niveau de certaines unités hôtelières, le ministre a déclaré : «Nous n’avons pas besoin de tels opérateurs qui tirent le produit touristique tunisien vers le bas, ne se préoccupent pas de l’image du pays, qui en profitent pour ensuite disparaître ou aller vers d’autres destinations, nous voulons de véritables partenaires, et ils existent, des opérateurs qui jouent avec nous le jeu de l’avenir car nous avons beaucoup de potentiel et d’atouts».
Reste que le tourisme n’est pas une affaire touristico-touristique, si l’on veut, c’est l’affaire de tout le pays et de tous les secteurs et plutôt que de disperser les efforts, pourquoi ne pas abriter les représentations de l’ONTT, du CEPEX, de la FIPA de Tunisair et des autres administrations tunisiennes à l’étranger sous le même toit, ce qui permettrait de faire des économies et de réunir les effort dans un seul objectif, celui de promouvoir le pays à tous les niveaux, a proposé le directeur exécutif de la CTFCI, M. Gaida.
«Le président de la République a déjà ordonné de créer, dans un certain nombre de capitales européennes, “les Maisons de la Tunisie“. Elles abriteront les différentes représentations des administrations tunisiennes. L’idée est d’engager des investissements importants pour aménager des locaux qui pourront même générer de l’argent et s’autofinancer en prévoyant des espaces pour locations aux opérateurs privés nationaux, un restaurant ou d’autres moyens de financement», a répliqué Slim Tlatli.
A entendre le ministre parler de l’avenir du tourisme tunisien, on pencherait à croire que dans cinq ans le visage de ce secteur changera. M. Tlatli n’a pas manqué de parler du soutien présidentiel et de la volonté du chef de l’Etat de faire évoluer le tourisme tunisien vers le mieux.
Osons espérer que le chemin pour la réalisation de ces objectifs ne sera pas semé d’embûches, d’autant plus qu’il pourra ainsi concrétiser les objectifs fixés au plus haut niveau de l’Etat et ceux attendus par des professionnels impliqués et appliqués à rehausser le niveau de leur produit et la qualité de leurs prestations.
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