Tunisie : Mme Leïla Ben Ali, “Brider le potentiel de la femme revient à se priver de la moitié du potentiel de la société“

Par : Tallel

leila-ben-ali-art.jpg“La femme arabe, partenaire essentiel du processus du développement durable”,
c’est le thème des travaux du 3ème congrès de l’Organisation de la Femme Arabe (OFA)
qui ont démarré, jeudi en fin de matinée, au palais des congrès, à Tunis, sous
la présidence de Madame Leïla Ben Ali, épouse du président de la République et
présidente de l’OFA, et en présence des premières Dames et des présidentes des
délégations des Etats arabes membres de l’Organisation.

Voici quelques extraits de l’allocution prononcée par Mme Leïla Ben Ali:

“… Notre Congrès constitue, en effet, une excellente opportunité pour poursuivre
l’examen d’un ensemble de questions qui retiennent notre attention à nous tous,
l’objectif étant d’améliorer davantage la condition de la femme arabe et de
réaliser l’égalité des chances et l’égalité tout court entre les genres, de
manière à consolider l’œuvre de réforme et de modernisation dans laquelle se
sont engagés nos pays et à accroître les opportunités d’intégration de la femme
dans un monde qui connaît des défis sans précédent dans tous les domaines…

On a beaucoup parlé, ces dernières années, du développement durable dans le
contexte d’une conjoncture mondiale incertaine, et cela nous conduit à nous
interroger sur les politiques les plus efficaces à adopter face à de telles
circonstances pour assurer le progrès de l’ensemble des sociétés humaines, ainsi
que sur les meilleures voies pour permettre à la femme arabe de contribuer à
l’œuvre de développement durable à un rythme plus soutenu et dans le cadre d’une
stratégie globale et plus exhaustive.

Le développement durable est un enjeu civilisationnel autant qu’une cause
planétaire aux dimensions politiques, sociales, économiques, culturelles,
technologiques et environnementales imbriquées les unes dans les autres.

Il commande la mise en place de politiques et de programmes à même d’aider à
tirer avantage des ressources et des richesses naturelles dont dispose
l’humanité, conformément à une approche aux volets cohérents pour réaliser les
objectifs de développement tout en veillant à assurer une gestion judicieuse des
ressources et des richesses aux fins de les protéger contre la surexploitation,
de manière à garantir la vie décente et le bien-être à toutes les générations,
aujourd’hui et demain.

Cette approche ne pourrait se concrétiser que par l’élimination des causes de la
pauvreté, de la faim, de la discrimination et de l’insécurité et par
l’instauration de la concorde sociale, l’accroissement du volume de
l’investissement et l’épanouissement des facultés créatrices de l’Homme.

Elle nécessite aussi l’amélioration de la qualité de la vie, dans le cadre d’une
orientation équitable, globale et durable qui n’établirait aucune distinction
entre la femme et l’homme, entre les générations, et entre les milieux urbain et
rural.

Si le développement durable est un besoin vital pour la survie du genre humain,
il ne se limite pas, cependant, à prémunir l’individu contre la faim et à le
protéger des risques qui menacent sa vie.

Bien plus, il consiste aussi à bénéficier des services des secteurs de
développement de base comme l’enseignement, la santé, le logement et l’emploi et
à s’affranchir des phénomènes de la marginalisation éducative et culturelle et
de l’exclusion sociale et économique.

Promouvoir les aptitudes de la femme arabe et l’aider à bénéficier, sur un pied
d’égalité avec l’homme, des chances d’accès aux biens et services, font partie
intégrante de cet objectif stratégique.

Mais, ceci ne serait possible qu’à travers des programmes judicieux et
exhaustifs en matière de formation, d’apprentissage et de qualification et qu’en
aidant la femme à tirer profit des résultats de la recherche et de l’innovation
technologique dans les divers domaines, en la dotant de ressources économiques
et en renforçant le rôle de la société civile pour ce qui est de sa prise en
charge partout où elle se trouve, en milieu urbain, suburbain ou rural.

La présence de la femme arabe, aujourd’hui, aux côtés de l’homme dans les
activités sociales, économiques et politiques, est un signal fort de sa
détermination à être un acteur dynamique dans l’enracinement des attributs du
développement intégral et durable dans la société qui est la sienne.

Les divers indicateurs sanitaires, éducatifs et sociaux montrent aujourd’hui que
la condition de la femme arabe a connu une évolution notable que confirme
l’augmentation de l’espérance de vie, l’amélioration de la santé de la mère, la
réduction de la mortalité maternelle et l’élévation du niveau de l’éducation et
de l’enseignement.

Ces réalisations et ces acquis, si importants qu’ils soient, demeurent,
cependant, en deçà de nos ambitions car le niveau d’autonomisation de la femme
demeure inférieur à celui de l’homme dans maints domaines sociaux, économiques
et politiques.

C’est aussi parce que l’analphabétisme qui frappe une forte proportion de
femmes, notamment dans les campagnes, représente l’un des plus grands défis qui
se posent pour nombre de nos sociétés.

L’attitude à l’égard de l’instruction et de l’octroi à la femme d’un emploi qui
puisse meubler sa vie suscite encore la controverse dans nos pays. En effet,
l’accès de la fille à l’instruction n’entraîne pas, nécessairement pour elle,
l’accès à des opportunités d’emploi, d’insertion dans le processus de
développement et de participation à la vie publique.

Cette situation procède d’une perception culturelle et sociale encore répandue
dans certaines de nos sociétés arabes où l’on appréhende encore la question de
l’instruction ou celle du droit au travail différemment selon qu’il s’agit d’un
genre ou d’un autre.

Ne pas permettre la participation effective de la femme à la vie sociale et
économique et aux postes de décision et de responsabilité, du fait de la
persistance de facteurs traditionnels qui consacrent encore l’inégalité entre la
femme et l’homme, constitue aujourd’hui l’un des facteurs qui handicapent le
développement.

Nous sommes fermement persuadés que l’exercice, par la femme arabe, de ses
droits dans la vie publique est indissociable de son droit à conduire comme elle
l’entend ses affaires privées au sein de la famille, et de sa participation, sur
un pied d’égalité aux côtés de l’homme, à l’édification d’une famille saine,
unie et équilibrée, la famille étant le socle de tout changement éducatif et
culturel et le pilier de toute évolution sociale et économique.

leila-ben-ali-art-2.jpgL’on peut dire, à ce propos, que les expériences enregistrées dans la plupart de
nos pays arabes sont des expériences prometteuses dans la mesure où elles
s’appuient sur des approches de développement équilibrées dans lesquelles les
dimensions économique et sociale sont étroitement liées, où s’affirme l’égalité
entre les deux genres en droits et en devoirs et où les mentalités évoluent dans
le sens de l’avènement d’une culture familiale et sociétale qui conforte le
partenariat entre la femme et l’homme dans tous les domaines de la vie.

La participation de la femme à la vie économique est l’un des principaux
critères à l’aune desquels se mesure le degré d’évolution des sociétés et de
l’enracinement des concepts de développement humain durable.

Les mutations économiques dans les pays arabes ont révélé des opportunités
nouvelles et prometteuses en matière d’activités artisanales féminines qui, de
simples occupations familiales traditionnelles, sont devenues des activités
économiques innovantes fondées sur le savoir-faire, la création et la parfaite
maîtrise des arts de la production et de la commercialisation.

C’est ce qui commande à la femme arabe de mieux connaître les modes de
production et de commercialisation modernes et d’adhérer aux organisations
professionnelles susceptibles de servir ses intérêts, afin qu’elle puisse
améliorer sa condition sociale et économique et contribuer au progrès et à la
prospérité de la société dans laquelle elle vit.

Nous appelons, à cette occasion, à ce que soit étudiée la possibilité
d’organiser un forum périodique des artisanes arabes dans les diverses
spécialités et à la mise en place d’un réseau de commercialisation solidaire de
leur produit, de manière à leur ouvrir de plus larges perspectives d’insertion
dans le circuit économique et dans la dynamique de développement global,
solidaire et durable.

Nous tenons, dans le cadre de notre présidence de l’Organisation de la femme
arabe, à dynamiser davantage les programmes propres à accroître les
qualifications de la femme arabe et à lui conférer l’aptitude à assimiler les
connaissances et les technologies modernes et à acquérir l’expérience nécessaire
pour créer et gérer les projets.

L’environnement étant l’un des principaux piliers de l’œuvre de développement
durable, nous sommes appelés, face à l’acuité des perturbations des phénomènes
climatiques, à la multiplication des catastrophes naturelles et au déséquilibre
écologique, à approfondir la prise de conscience quant à la gravité de tels
phénomènes et à leur impact économique et social sur la condition de la femme,
en particulier.

C’est la femme, en effet, qui est davantage en prise directe avec les ressources
naturelles et c’est elle qui représente la principale force de travail dans le
secteur agricole dans la plupart des pays.

Nous appelons, à ce propos, à envisager l’institution d’un prix pour les études
et les recherches dans les domaines environnementaux réalisées ou supervisées
par des femmes arabes, ainsi que d’un prix pour la meilleure association
féminine œuvrant dans ce domaine, qui se distinguerait par la qualité de son
effort en matière d’incitation de la femme arabe à utiliser de façon optimale
les ressources environnementales et à accroître son concours à la promotion de
la conscience environnementale auprès des générations futures.

Emprunter des voies objectives et rigoureuses pour connaître le degré de
contribution de la femme aux économies nationales et son implication dans la
société civile permettrait de nous donner une image réelle et précise de sa
condition.

C’est ce qui souligne le besoin qu’il y a de réaliser des recherches et des
études sur l’égalité des chances en matière d’emploi entre la femme et l’homme
et sur la prise en compte de la situation spécifique de la femme dans la
répartition du temps de travail.

L’échange d’expériences et d’expertises en la matière entre nos pays est tout
aussi indispensable, de manière à ce que nous puissions développer davantage
notre œuvre et parvenir à nous doter de tout ce qui serait en harmonie avec
notre réalité et nos spécificités, et en phase avec les impératifs de notre
époque.

Nous gagnerions, aujourd’hui, à améliorer continuellement la condition de la
femme arabe, dans le cadre d’une approche fondée sur la corrélation étroite
entre les droits civiques et politiques, d’une part, les droits sociaux et
économiques, de l’autre.

C’est là un objectif que la femme arabe partage avec un grand nombre de femmes
dans le monde et qui nous incite, dans le cadre de l’Organisation de la femme
arabe, à consentir plus d’efforts en matière de relations avec notre
environnement géographique et à réaliser une plus grande ouverture sur cet
environnement afin d’établir une entente commune pour la sécurité, la paix et le
développement.

S’affranchir de la trilogie de la peur, de la pauvreté et de la discrimination
est l’un des principaux fondements du développement durable. La précarité, la
violence, l’abandon et le démembrement familial qu’endure la femme dans
certaines sociétés du fait de la détérioration de la situation sanitaire,
sociale et économique et de la prolifération des conflits armés constituent une
violation de sa dignité, une atteinte à son être et une grave entorse au concept
de développement intégral, juste et durable auquel aspirent toutes les nations.

Nous sommes en droit, à cet égard, de nous interroger à quel point la communauté
internationale honore les engagements définis par les référentiels de l’ONU en
la matière, à l’heure où, dans bien des pays, la femme pâtit de la
discrimination, de l’exclusion et de la marginalisation !

Nous estimons que notre réunion, aujourd’hui, constitue une opportunité pour
réaffirmer notre solidarité avec les femmes dans toutes les zones de tension et
de conflit de par le monde et pour souligner notre attachement à ce que la
Commission de la femme pour le droit international humanitaire contribue à
sensibiliser les différentes parties aux dimensions de ce droit et à la
nécessité d’en respecter les principes.

C’est une opportunité pour confirmer, en même temps, notre soutien indéfectible
à la lutte du peuple palestinien, à sa vaillante résistance, avec ses femmes,
ses hommes et ses enfants, face à l’occupation et à l’agression et sa bravoure
dans la défense de ses droits légitimes à la liberté et à la dignité.

Notre confiance est grande en l’aptitude de notre organisation et de celle de
toutes les associations féminines arabes qui, par volontariat, ont choisi
d’œuvrer, avec enthousiasme et dynamisme sur le terrain social, économique,
éducatif, culturel et scientifique, à enraciner dans nos sociétés la conviction
selon laquelle il n’y aura pas de développement durable en l’absence de la
femme.

Je suis persuadée que les compétences présentes à ce Congrès nous aideront à
aboutir à des recommandations pratiques à même de donner corps à un concept
juste et cohérent du développement qui confèrerait à la femme la place dont elle
est digne et ferait d’elle la partenaire à part entière de l’homme dans la
réalisation du progrès dans nos sociétés.

Je tiens à vous souhaiter encore une fois la bienvenue et un agréable séjour
parmi nous, exprimant les vœux pour le succès de notre Congrès. Puisse Dieu
guider nos pas pour le bien de la femme arabe, ainsi que pour le bien, la
croissance et la prospérité que nous souhaitons pour nos patries”.

(Source: TAP)