«Lorsqu’une entreprise assujettie à l’impôt en France fait un don à un organisme
d’intérêt général, elle bénéficie d’une réduction de l’impôt sur les sociétés ou
de l’impôt sur le revenu, mais peut aussi bénéficier de certaines contreparties
en communication et relations publiques. Pour les entreprises, la réduction
d’impôt est égale à 60% du montant du don effectué en numéraire, en compétence
ou en nature, et retenu dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires H.T, avec
la possibilité, en cas de dépassement de ce plafond, de reporter l’excédent au
titre des cinq exercices suivants. Il est à noter que les mécènes sont soumis à
des obligations déclaratives».
Ceci est valable en France, qu’en est-il enTunisie ?
Les entreprises qui participeront à la préservation et la restauration de
monuments historiques faisant partie du patrimoine national et celles qui
soutiendront des activités culturelles ou artistiques, pourront-elles bénéficier
d’avantages fiscaux et d’un soutien inconditionnel de la part de
l’Administration publique?
La volonté du président de la République de «Réaliser le saut qualitatif
souhaité pour le tourisme culturel…à travers la mise à niveau des sites et des
circuits archéologiques et des musées ainsi que le développement des festivals
internationaux …» va plutôt dans ce sens. Car l’Etat, à lui seul, ne peut et
n’aura pas la capacité de répondre à toutes les exigences financières d’un
secteur qui en demande beaucoup.
Les entreprises tunisiennes qui ne sont généralement pas familiarisés avec le
mécénat culturel sont tout juste en train de faire l’apprentissage du concept
«Entreprise citoyenne» même si nombre d’entre elles font parfois des actions
d’utilité publique sans les nommer ou les mettre dans le cadre du mécénat.
«Nos entreprises, comme vous le savez, sont trop sollicitées», a déclaré Ali
Slama, membre du bureau exécutif de l’UTICA lors d’une conférence de presse
tenue au siège du Patronat mercredi 27 octobre à l’occasion du 1er colloque
international sur le mécénat culturel et présidée par Rejeb Elloumi, président
de l’Association tunisienne Thourath et Jean Pierre Mangiapan, président de
l’Agence pour le Co-développement franco-tunisien (ACFT). «Nous sommes toutefois
confiants quand à leur prédisposition à adhérer au principe du mécénat culturel,
car nous estimons que c’est un devoir national que de le faire et nous
accomplirons les efforts nécessaires pour les convaincre», a-t-il ajouté.
Les entreprises tunisiennes, comme celles d’ailleurs, sont tenues par des
stratégies de communication globale qui doivent comprendre la composante mécénat
culturel. Est-ce le cas pour la plupart d’entre elles ? Il faut reconnaître que
dans un pays comme le nôtre le tabou ne tombera pas de sitôt. Car à ce jour les
associations de protection de patrimoine financées par l’Etat s’apparentent plus
à des clubs privés et restent jalouses de leur «autonomie». Elles ne font donc
pas de grands efforts pour solliciter les entreprises ni pour communiquer
d’ailleurs comme s’il s’agissait d’affaires personnelles.
Rejeb Elloumi, président de Tourath compte bien changer les choses. «Je pense
que des actions pour protéger le patrimoine et restaurer les monuments nationaux
valent la peine d’être soutenues par l’Etat et les privés. Les clubs sportifs
bénéficient bien d’exemption d’impôts au niveau des dons, pourquoi pas le
mécénat culturel?».
Le patrimoine est source de richesses, de créativité et d’innovations pour les
entreprises, il peut les inspirer. Leur participation à sa sauvegarde est
également très bénéfique pour leur image. Ca leur permet d’accéder à des
catégories de publics qu’ils ne pouvaient pas atteindre et de redorer leur
blason. Elles peuvent avoir un retour sur investissement presque direct en
termes d’images puisqu’elles sont mieux perçues par le large public qui ne
voient plus en elles des «sangsues voulant seulement gagner de l’argent sur le
dos des pauvres gens» mais plutôt des entreprises citoyennes qui participent à
la préservation de l’héritage culturel national. En mettant leurs noms sur des
monuments restaurés ou en les associant à des œuvres artistiques, les
entreprises gagnent à tous les coups, en image, en légitimité et en notoriété.
En Tunisie, parmi les institutions qui ont fait du mécénat culturel, nous
pouvons citer la
BIAT qui a financé nombre d’expositions de peinture et qui a
investi dans la construction de la Bibliothèque de l’Ariana, l’ATB, qui depuis
les années 80 soutient le secteur des livres et de la musique et dont le nom est
intimement associé à l’Octobre musical. La compagnie d’assurance Comar qui a
créé le marathon international de Tunisie ainsi que les Comars d’or pour les
meilleures créations littéraires, ou encore les opérateurs télécoms qui sont de
plus en plus actifs dans le culturel.
Les répercussions des actes de mécénat réalisés par ces entreprises sont, on ne
peut plus, révélatrices des avantages qu’ils sont sur leurs images de marque.
Car pendant des jours et des jours, elles bénéficient de l’intérêt des médias et
de l’attention du grand public.
Pour que ces pratiques se développent dans notre pays, il faudrait que le cadre
législatif fiscal s’y adapte ainsi que des campagnes de sensibilisation
conséquentes pour inciter les entreprises à être plus présentes sur le terrain
du mécénat culturel.