Prénatales ou post mortem, comment maîtriser nos traces laissées sur le web

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La page Facebook de son fondateur Mark Zuckerman le 18 octobre 2010 (Photo : Karen Bleier)

[29/10/2010 13:24:15] PARIS (AFP) Certains mettent en ligne des échographies prénatales, d’autres planifient la fermeture posthume de leur page Facebook: si le boom des réseaux sociaux ouvre la voie à une existence numérique avant même la naissance, rien ou presque n’est prévu pour gérer ces traces après la mort.

“La +mémoire numérique+ de chacun a complètement explosé, notamment car nous sommes dans une société qui multiplie les +traces+”, résume Olivier Ertzscheid, universitaire spécialiste de l’internet.

“Enormément de personnes mettent par exemple des photos de leurs enfants sur Facebook en ayant l’impression de rester dans le cadre de leur intimité habituelle, mais très peu se donnent les moyens de vérifier les règles de confidentialité de leur compte”, souligne à l’AFP ce maître de conférences à Nantes.

Selon une étude internationale de l’éditeur de logiciels AVG, 81% des enfants de moins de deux ans ont déjà “une sorte de profil” ou d?empreinte numérique via leurs photos mises en ligne.

Et 23% des enfants entament même leur “vie numérique” avant leur venue au monde, leurs mères publiant leurs échographies prénatales, sur les réseaux sociaux principalement. Ce phénomène est encore plus courant au Canada et aux Etats-Unis (respectivement 37% et 34%).

Ces femmes souvent âgées de 30 à 35 ans qui ont créé un compte Facebook spécial pour leur bébé, sont également le profil type des abonnés à un site mis en ligne en septembre: www.laviedapres.com, qui se définit comme “un coffre-fort numérique à délivrance posthume”.

De son vivant, une personne peut ainsi mettre sur son compte “ultra sécurisé des photos, messages, copies de contrats d’assurance-vie ou encore ses mots de passe pour sa boî te email ou ses réseaux sociaux. Et elle doit bien sûr prévenir un proche de l’existence de cette démarche”, explique un des fondateurs, Pierre-Olivier Guerin.

Lorsque la personne meurt, “nous déclenchons les démarches prévues par le défunt, comme l’envoi d’un dernier message d’amour, la publication d’un ultime message sur un réseau social avant de clôturer le compte ou l’effacement d’un blog”, indique-t-il.

“Nous ne sommes au final que la version numérique de la lettre qu’on laissait auparavant dans un tiroir avec des instructions”, résume M. Guerin, 25 ans, qui a créé le site avec deux autres jeunes ingénieurs, après la mort brutale de son père.

Leur démarche tend à “dédramatiser la mort car il n’y a rien de choquant à tout prévoir pour faciliter les choses à sa famille”, et ils sont actuellement en négociations avec des assureurs pour inclure leur concept dans des contrats d’assurance-vie et de prévoyance.

“Cette question du rapport à la mort et de la gestion du deuil est quelque chose de nouveau pour le média numérique, cela change notre perception de ce qui doit être conservé et ce qui peut tomber dans l’oubli”, résume Olivier Ertzscheid.

“Ensuite, de là à dire que dès qu’on met quelque chose sur le net ce sera conservé indéfiniment et accessible immédiatement par tout le monde et de partout, il faut relativiser. Techniquement parlant, il est toujours possible de maîtriser ses +traces+”, souligne-t-il.

Quant à un “droit à l’oubli numérique” que le gouvernement français souhaite mettre en place, l’universitaire est sceptique: “c’est encore très flou et des législations ou des +chartes+ nationales ne couvriront jamais des pratiques internationales”.

Selon Olivier Ertzscheid, “il faut avant tout passer par la formation: montrer aux gens comment utiliser au mieux et +en conscience+ ces outils du web suffirait à supprimer l’essentiel des risques qu’ils présentent”.