érienne de Francfort, le 2 juillet 2010 (Photo : Daniel Roland) |
[29/10/2010 13:34:07] FRANCFORT (Allemagne) (AFP) Estimant avoir payé pour la crise, les salariés allemands exigent leur part du gâteau alors que l’économie bat des records, que les profits des grandes entreprises montent en flèche et que le chômage fond à vue d’oeil.
“Les syndicats ont agi avec beaucoup de responsabilité pendant la crise”, préférant mettre de côté les revendications salariales en échange de garanties pour l’emploi, explique Gernot Nerb, spécialiste à l’Ifo, l’un des principaux instituts de conjoncture allemands.
Mais désormais, les salariés entendent être payés en retour lors des négociations annuelles de branche.
Le syndicat des fonctionnaires régionaux, DBB, a ainsi déjà annoncé la couleur. Il veut des augmentations de “plus de 7%”.
IG Metall, le plus puissant syndicat du pays, a déjà appelé à manifester sur ce thème. “Les salariés ont aidé à surmonter la crise. Maintenant, ils demandent à ce que leur revienne leur juste part de la croissance”, dit-il.
Un son de cloche qui trouve écho au sein même du gouvernement. Le ministre de l’Economie, le libéral (FDP) Reiner Brüderle, a ainsi récemment déclaré que “quand la croissance s’envole, des hausses de salaires conséquentes sont possibles”.
Or cette dernière devrait afficher 3,4% en 2010, selon les nouvelles prévisions gouvernementales, du jamais vu depuis la Réunification.
La modération salariale a joué “un grand rôle” dans cette reprise qualifiée de “miracle économique” par les médias, couplée à un dispositif de chômage partiel qui a touché jusqu’à 1,4 millions d’Allemands au plus fort de la crise en 2009, mais qui a évité de nombreux licenciements, estime M. Nerb.
Le chômage a aujourd’hui fondu, et les grandes entreprises du Dax ont commencé cette semaine à annoncer des centaines de millions d’euros de bénéfices trimestriels, ravivant l’appétit de leurs employés.
D’autant que les Allemands se serrent la ceinture depuis longtemps. Le pays est certes dans le tiers supérieur pour le niveau de ses salaires en Europe, “mais leur évolution est depuis dix ans bien plus défavorable en Allemagne que dans les autres pays européens, dont la France, l’Italie et l’Espagne”, souligne M. Nerb.
L’industrie automobile, l’un des plus gros employeur du pays, a choisi de prendre les devants.
Bosch s’est attiré cette semaine des louanges syndicales inhabituelles en annonçant une augmentation avec deux mois d’avance pour 85.000 employés. Ce geste, présenté comme un “grand remerciement à tous” les employés pour “leur grande loyauté”, fait des émules.
Audi lui a emboîté le pas, Porsche est en passe de le faire selon son comité d’entreprise, et chez Daimler la pression se fait forte pour suivre.
“Une augmentation modérée des salaires” serait une bonne nouvelle supplémentaire pour l’économie allemande car elle encouragerait les ménages à consommer, soutenant la croissance, souligne Heinrich Bayer, économiste chez Postbank.
La baisse du chômage pourrait aussi mécaniquement amener les entreprises à augmenter les salaires des emplois qualifiés, plusieurs branches connaissant déjà des pénuries de main d’oeuvre, note-t-il.
Mais si le “miracle économique” allemand finit par payer pour ces salariés, les syndicats pointent aussi les laissés pour compte que sont les travailleurs pauvres, peu qualifiés, et les précaires.
“La croissance ne sera durable que quand les gens seront en contrat à durée indéterminée et pourront vivre de leur salaire, et pas avec une armée de salariés mal payés”, a déclaré cette semaine le vice-président d’IG Metall Detlef Wetzel, pointant le “million de travailleurs intérimaires et près de 7 millions de personnes à bas salaires” en Allemagne.