Réduire, couper : la vie d’un couple roumain dans l’austérité

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Magda Andreescu (d), son mari Sorin et leur fille de quatre ans, Diana, dans un parc de Bucarest le 28 octobre 2010 (Photo : Daniel Mihailescu)

[31/10/2010 12:02:39] BUCAREST (AFP) Comme tous les fonctionnaires roumains, Magda, chercheuse, et son mari Sorin, professeur, ont perdu 25% de leur salaire dans un plan d’austérité. Tous les jours, ils soupèsent la moindre dépense, renoncent à un livre, une sortie. Avec un sentiment d’injustice.

Si le Fonds monétaire international, en mission à Bucarest jusqu’à lundi, prévoit un timide retour à la croissance en 2011 après deux ans de récession, la rigueur devrait se poursuivre.

“Il y a quelques années, en période de crise, une blague disait que le ministre du Travail devrait interdire aux fonctionnaires de se marier ensemble…C’est sûr qu’aujourd’hui un couple comme nous est frappé de plein fouet”, remarque Magda Andreescu, 42 ans, curatrice d’exposition au Musée du Paysan roumain de Bucarest, un des plus réputés en Europe dans le domaine des arts populaires.

Diplômé d’histoire comme elle, son mari Sorin, 40 ans, enseigne dans un collège. Il a aussi co-écrit le premier manuel scolaire spécialement dédié à l’histoire du communisme.

Avec leur fille de quatre ans, ils vivent avec environ 500 euros par mois depuis l’entrée en vigueur cet été d’un plan d’austérité destiné à contenir le déficit public à 6,8% du PIB.

“Les salaires ont baissé d’un quart mais en réalité, avec la suppression du 13e mois, de primes et bons d’achat pour des livres, j’ai perdu de 35 à 40%”, explique Sorin. Sa femme et lui gagnent aujourd’hui chacun 250 euros par mois. Soit, malgré leurs qualifications, moins que le salaire moyen (350 euros).

Même si le coût de la vie est plus bas qu’en Europe de l’ouest, le couple conjugue au quotidien les verbes “réduire et supprimer”.

“Nous sommes des gens socialement actifs mais nous avons drastiquement réduit les sorties”, dit Sorin. Même chose pour les achats de livres, une de ses passions: “on va à la librairie comme au musée, pour regarder”.

Les vacances se sont limitées à quelques jours au bord de la mer Noire, en Roumanie.

En attendant “avec inquiétude”, les factures de chauffage hivernales, et afin de ne pas tailler dans les dépenses pour leur fille, ils ont réduit les achats de vêtements au strict nécessaire.

“On taille sur ce qui nous permet de nous évader. Moi qui adore le théâtre, je ne vois plus que les pièces pour enfant”, regrette Magda.

Déjà quasi impossible, la location voire l’achat d’un appartement pour eux trois est devenue inimaginable. “Même avant, un loyer équivalait à la totalité de mon salaire”, dit Sorin. Ils partagent donc l’appartement de ses parents.

Sorin et Magda ne contestent pas la nécessité de réformes ni d’efforts de la part des citoyens mais ils trouvent “injustes” l’ampleur et le manque de distinction des coupes.

Un argument résumé dans un éditorial du quotidien Romania Libera cette semaine: “pour ne pas s’aliéner tout le monde, le gouvernement aurait dû veiller à ce que les coupes n’affectent pas les fonctionnaires performants. Ce tri dans les compétences aurait été un premier pas vers un meilleur fonctionnement de l’administration”, réclamé par tous en Roumanie.

Malgré les difficultés, Magda poursuit avec passion ses recherches sur l’île d’Ada Kale, engloutie par un barrage sur le Danube, et dont la population turcophone fut relocalisée en Roumanie et en Turquie.

Elle espère pouvoir monter une exposition à Bucarest et Istanbul, basée sur le témoignage des rares habitants encore en vie.

“Je n’ai jamais voulu partir de Roumanie, même en voyant le niveau de vie plus élevé en France ou en Belgique où j’ai présenté des expositions. J’ai mes racines ici, dit-elle, mais, aujourd’hui, je ne jetterais pas la pierre à quelqu’un qui veut partir”.