Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, s’inquiète des retards observés quant à une réelle volonté de réformer le système financier international. “Il y a de nombreux domaines, concernant les agences de notation, les transactions de gré à gré, les fonds spéculatifs, d’autres problèmes, où ce qui est déjà annoncé, sinon mis en œuvre, par les États-Unis, les Européens, les Japonais ou d’autres, est tout simplement incohérent”, avait-il déjà déclaré au mois d’avril dernier à Washington.
Dans le dernier rapport sur la stabilité financière dans le monde (GFSR), on a rappelé que lors de la dernière crise, les institutions financières et les instances de régulation n’ont pas tenu compte de la montée des risques de liquidité issus d’une dépendance accrue à l’égard des financements de gros à court terme. Il fallait donc améliorer les pratiques d’évaluation des garanties sur le marché des pensions livrées et encourager un plus grand recours aux contreparties centrales sur ce marché.
Pour les experts du FMI, les récentes propositions du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire contribueront à améliorer la volatilité des monnaies et réduire les risques systémiques. Les directives en matière de liquidités devraient, d’une manière ou d’une autre, inclure les institutions financières non bancaires qui contribuent à la transformation des échéances. Les nouvelles réglementations de liquidité devraient tenir compte des risques de financement relevant de la multiplicité de pays et de devises en présence(1).
Les protagonistes du jeu de la finance internationale joueront-ils le jeu? Ce n’est pas si sûr, rétorquent Dhafer Saïdane, Docteur en économie –HDR, Pr Skema Business School à l’Université Lille 3: «… Nous pouvons dire qu’on reprend les mêmes et on recommence. Les grandes banques de financement et d’investissement qui ont été le relai et l’amplificateur de la crise n’ont pas fondamentalement changé ni d’activités ni de méthodes de travail. Les “Big Four“ Goldman Sachs, Merrill Lynch, Morgan Stanley et Bear Stearns se sont plus simplement adaptées aux changements sur les marchés. Il y a de leur part une résistance au changement à laquelle il fallait s’attendre car tout simplement leur “Business Model“ demeure profitable en termes de retour sur investissement».
Pour cet expert de la finance, nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge car on observe un plus grand élargissement des métiers du trading et une complexification des produits financiers, favorisés par le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
«Les produits financiers sont devenus peu compréhensibles et peu traçables. Les patrons de banques eux-mêmes ne maîtrisent plus cette complexité et sont devenus incapables d’expliquer les produits qu’ils vendent. Une telle situation ne peut que favoriser les ajustements violents du marché».
Les USA : pays d’où la menace arrive
La réforme financière adoptée l’été dernier par le Sénat américain (2) obligerait les banques et les institutions financières à rendre compte au nouveau Bureau de protection financière du consommateur (CFPB) lequel bureau sera chargé par la Réserve fédérale (FED), de superviser les crédits immobiliers, les prêts aux étudiants ou encore les cartes de crédit. Les autorités fédérales surveilleront de plus près les fonds spéculatifs et les sociétés de capital-investissement.
Les autorités de régulation auront désormais plus de pouvoirs pour démanteler les sociétés en difficulté d’autant plus qu’un conseil des régulateurs surveillera les risques qui pourraient peser sur le système financier.
Mais la réforme ne suffit pas, les Etats-Unis restent le pays d’où la menace arrive. «L’Amérique est en retard en matière de gouvernance financière. Car en matière de déréglementation, on note un retard très clair des banques américaines par rapport aux banques européennes. Les banques américaines sont restées, jusqu’au déclenchement de la crise, cloisonnées sous l’influence du Glass-Steagall Act de 1933. A part Citigroup, la banque commerciale est restée séparée de la banque de financement et d’investissement (BFI). Le Gramm-Leach-Bliley Act, libérant les banques et permettant une diversification salutaire, n’a été adopté qu’en 2000 et n’a profité finalement qu’à une seule banque: Citigroup. Les banques américaines sont restées enfermées dans leurs modèles d’origine et n’ont pas adopté celui de la banque universelle comme cela a été le cas pour les banques européennes», note Dhafer Saïdane. Le modèle de banque d’affaires (BFI) étant le plus profitable. Ainsi, Merrill Lynch, Morgan Stanley et Bear Stearns, mais aussi Lehman Brothers (avant sa faillite) qui maîtrisent 80% de la finance de marché mondiale, sont restées fidèles à leur modèle d’origine. Le modèle bancaire américain a donc été récusé par la crise par manque de diversification. «Ces pratiques n’ont toujours pas changé», assure-t-il.
Pour preuve, JP Morgan Chase n’a pas beaucoup apprécié la réforme financière américaine. «Il y aura des effets sur le chiffre d’affaires, les marges et les volumes».
En attendant, le principe d’une meilleure représentation des pays émergents et en développement dans les instances de régulation internationale pourraient au moins œuvrer à sauvegarder les intérêts des pays qui ont essuyé les revers de médaille du développement des marchés financiers internationaux sans en récolter les fruits.
Ainsi, un plus grand nombre de ces pays siègera au Conseil d’administration du FMI. Et c’est l’Europe, surreprésentée qui cèdera des sièges au profit des pays émergents. Des pays auparavant sous-représentés ou quasiment absents au niveau des structures financière internationales et qui réalisaient de solides avancées économiques vont devoir participer aujourd’hui à redéfinir un système financier qui devrait prendre en compte leurs intérêts.
La présence accrue des pays émergents au Conseil d’Administration du FMI impliquera également un doublement des contributions financières servant à déterminer le pourcentage de voix que détiennent les pays membres au sein du FMI. Ce qui entraînera un transfert de suffrages vers les pays émergents et en développement dynamiques. Le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie figureront désormais parmi les 10 plus gros actionnaires du FMI.